Roman de Marlen Haushofer.
Une semaine dans la vie d’une femme autrichienne, chaque chapitre dédié à une journée. La narratrice raconte le quotidien lent, sans surprise, et elle se raconte sans y prendre garde. Son refuge, c’est la mansarde où elle peint et où elle marche sans crainte de déranger son époux. Quoi qu’elle fasse, cette femme tente d’échapper au passé et aux souvenirs qui pourraient ébranler le précaire équilibre du présent, renverser le statu quo d’une existence pétrifiée. « Le passé, quel qu’il soit, doit être liquidé. C’est une démarche douloureuse devant laquelle toute ma vie, je me défile. » (p. 48) Hélas, un oiseau lui rappelle son enfance entre des parents malades, un grain de poussière ravive le souvenir des deux ans durant lesquels elle a perdu l’ouïe. Et justement, le courrier du jour lui apporte les pages du journal qu’elle a écrit pendant ces mois de silence. « Les médecins […] ont dit qu’il n’y avait pas de cause organique à ma surdité. J’aurais seulement oublié comment l’on entend. Cela me reviendra peut-être. » (p. 58) Qui envoie ces courriers, et pourquoi ? En se relisant, des années après, la femme se rappelle la solitude et le détachement de ce qui faisait son monde. Comme elle, le/la lecteur·ice se demande comment elle a retrouvé sa place. Mais l’évidence se fait : cette place est restée perdue, et celle qui est revenue du silence n’était pas tout à fait la même. On comprend alors les terribles efforts qu’elle fait pour ne jamais regarder en arrière. « Il m’est parfois importun d’avoir en tête autant d’images cachées qui peuvent surgir à tout moment. » (p. 115)
La quatrième de couverture parle d’un roman d’une étonnante modernité, et c’est tout à fait juste. On flirte par moment avec le fantastique tant l’étrangeté de cette femme est considérable. Dans son intérieur figé, auprès d’un époux hautement prévisible et d’enfants évanescents, la narratrice marche sans cesse sur des œufs et ne trouve pas le repos. Elle lutte contre ses pulsions de liberté et rêve de s’affranchir des chaînes qu’elle s’est laissé passer au cou. La mansarde, alors, tout autant partie de la maison que refuge mental, est le lieu de tous les possibles, mais aussi celui de tous les interdits. « Les choses et les pensées qui concernent ma vie dans la mansarde n’ont pas à pénétrer dans le reste de la maison. » (p. 26) J’ai découvert Marlen Haushofer avec Le mur invisible, autre lecture tout à fait inoubliable.
Oh ! Je me le note. J’avais adoré Le mur invisible !
Bonne lecture !!!