Le bâtard de Nazareth

Roman de Metin Arditi.

Marie, violée par un soldat romain, a trouvé auprès de Joseph un protecteur et un père pour son fils illégitime, Jésus. Selon la Loi juive, l’enfant est un mamzer, un bâtard. Lui et sa mère sont impur·es pour dix générations, indignes d’entrer dans l’enceinte sacrée des temples. « L’erreur était-elle héréditaire ? »(p. 38) Pour l’adolescent, cette mise à l’écart est intolérable, pas tant pour lui que parce qu’il ne voit en sa mère que bonté et tendresse. Très tôt, il conteste la Torah et veut défendre les faibles et tou·tes les exclu·es. « Mon ambition est d’aimer mon prochain […] En verrais-tu une autre ? / Celle d’aimer ton lointain, par exemple. Celui qui ne te ressemble pas. » (p. 104) Adulte, il est un charpentier aguerri et un guérisseur renommé. Doué et compatissant, Jésus contient difficilement la colère bouillante qui l’anime face à l’injustice des textes sacrés. Après sa rencontre avec Jean le Baptiseur et Judas, il commence à prêcher devant des foules de plus en plus nombreuses : il ne parle que de justice et d’amour. Mais comment peut-il rompre avec les rabbins et faire entendre sa vision de la Loi juive sans faire scission ? « C’est la lecture de la Loi que font les prêtres qui mérite d’être lapidée. Pas les femmes. » (p. 118)

Metin Arditi nous propose un Jésus humain, terriblement humain, et une vision très plausible de la naissance de la religion chrétienne. Ce faisant, en interrogeant la pertinence des lois juives, il prophétise les malheurs millénaires du peuple élu. « En excluant les impurs, tu invites les Nations à nous exclure à notre tour, si un jour l’occasion devait se présenter à elles. Là serait la fin de notre peuple. » (p. 171) Et Dieu dans cette histoire ? Il n’est pas le père de Jésus, simplement le dieu des textes : il n’est pas incarné dans un homme, mais dans ce texte, l’homme Jésus incarne les véritables notions de charité et de justice. Comme Soif d’Amélie Nothomb, ce roman m’a profondément émue : mon cœur penche toujours vers les blessé·es et celleux qui ont soif d’amour.

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