
Recueil de textes de quatre autrices japonaises : Kakuta Mitsuko, Inoue Areno, Mori Eto et Ekuni Kaori.
Loin du Japon, les autrices parlent de famille et de nourriture. Souvent, trop souvent, il est question de brouille ou de chagrin : tout devient amer et aigre, sans le doux qui, conjugué aux deux autres, compose pourtant de merveilleuses saveurs. « On ne se souvient que des premières fois. […] Tandis que les dernières fois restent floues. Quand c’est la dernière fois, bien souvent, on n’en a pas conscience sur le moment. Et parfois, on n’a pas envie de penser que c’est la dernière. » (p. 93) Dans les paysages enchanteurs du Pays basque, du Piémont italien, de la Bretagne et de l’arrière-pays portugais, il se joue des drames ordinaires : départs, disputes, décès, disparitions, rien de tonitruant, juste des choses humaines. « Il avait beau être là, avec moi, il était obnubilé par un lieu et un temps qui n’était ni ici ni maintenant. Ce qui me faisait me sentir d’autant plus seul. » (p. 186) Entre portes refermées et silences pesants, la cuisine tente d’être un don et un lien, mais hélas, ce n’est pas l’amour que l’on mange – ou alors trop tard –, ce sont les rancœurs, et elles pèsent sur l’âme. « J’avais honte de ce cuisinier choisi par Dieu pour qui le goût passait avant la tendresse. » (p. 32)
J’attendais de ces pages plus de lumière et de joie, et sans aucun doute plus de plaisir, peut-être retrouver le même sentiment qui m’avait si chaudement enveloppée à la lecture du Restaurant de l’amour retrouvé, publié chez le même éditeur. « Le dessert est un élément clé, puisque c’est le dernier souvenir qu’on garde d’un repas, celui qui nous reste sur la langue. » (p. 110) Je sais bien que notre monde n’est pas celui des Bisounours et que les relations humaines échouent souvent. Mais les échecs de ma vie me suffisent : quand je plonge en littérature, c’est pour me consoler, pas pour m’égratigner le cœur. « Qu’y a-t-il de mal à vouloir que le souvenir de nos dernières heures ensemble soit celui d’un repas heureux ? » (p. 55) Les quatre textes de cet ouvrage sont beaux à leur façon, c’est indéniable, mais ils m’ont rendue infiniment triste.