Le livre de Kells

Roman de Sorj Chalandon.

À 18 ans à peine, Kells quitte l’appartement familial. L’urgence pour lui, c’est de partir loin des poings du père et loin de Lyon, peut-être à Ibiza ou à Katmandou. « Je voulais que tout de moi s’évapore. Que mon souvenir déserte ma chambre d’enfant. Ne rien laisser, ni souffle ni trace. » (p. 8) Hélas, les rêves ne nourrissent pas et ne rendent pas riche. Le seul horizon de Kells, en ce printemps 1970, ce sont les rues de Paris, ses squats et ses combines pour ne pas mourir de faim. « La rue ne m’a pas bouffé tout de suite. Elle a d’abord joué avec moi. » (p. 32) Réduit à la mendicité et aux boulots précaires, raidi de crasse et de colère, le jeune homme se laisse glisser dans l’anonymat de la misère. « Mes pieds étaient brûlés. Ma peau lacérée. Mon ventre, dévoré par le mépris de moi-même. Je n’étais plus un homme, j’étais une défaite. Jamais je n’aurais imaginé que je serais aussi seul au monde. » (p. 93) Mais un jour, des mains se tendent, celles de Daniel, Marc, Yves, Denis et de toute une bande. Ces militants sont étudiants ou ouvriers et ils défendent férocement La cause du peuple, journal aux idées progressistes et révolutionnaires. « Sans mot, sans serment, sans sermon non plus, un ballet de jeunes militants gauchistes m’avaient doucement entraîné de l’isolement à la fraternité. » (p. 121) Au milieu de cette légion d’enragés, Kells reprend pied et entrevoit la possibilité d’un avenir.

Dans ce roman, Sorj Chalandon parle de ses propres années de misère, celles qui ont précédé l’entrée à Libération. Il décrit avec précision, mais sans pathos, la façon dont la rue grignote la dignité, les oppositions avec les forces de l’ordre, la rage militante, mais aussi l’amitié, la solidarité et la renaissance de l’espoir. Une allusion au petit Bonzi par-ci, moult références à l’Irlande par-là : c’est certain, Le livre de Kells a sa place pleine et entière dans l’œuvre de Sorj Chalandon.

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2 réponses à Le livre de Kells

  1. Lydia dit :

    J’avoue que ces nouvelles couvertures chez Grasset me font fuir !

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