Texte de Vanessa Springora.
Vanessa Springora a 13 ans quand elle rencontre G. M. et entame avec lui une relation amoureuse. Amoureuse, vraiment ? Pour la très jeune fille, sans doute. Pour l’homme, de plus de 30 ans son aîné, c’est forcément autre chose. « Ce n’était pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger, mais la sienne. » (p. 86) Et il faudra des années, presque une vie à Vanessa Springora pour mettre des mots sur cette histoire toxique qui l’a marquée pour toujours.
De page en page, l’autrice déploie son récit, avec une écriture clinique et posée. Elle démonte la machine infernale dans laquelle elle était prisonnière. Il n’y a pas de scène pire qu’une autre dans ce témoignage, mais une me marque particulièrement, celle du viol par bistouri. Ce G. M., dont l’actualité a largement diffusé le nom et pour une fois par pour honorer ses écrits pédophiles, a fait œuvre de ses crimes ne laisse pas de me mettre la rage au ventre. « Toute son intelligence est tournée vers la satisfaction de ses désirs et leur transposition dans un de ses livres. Seules ces deux motivations guident véritablement ses actes. Jouir et écrire. » (p. 100) Séparer l’homme de l’artiste, bla bla bla… Pas quand le premier se cache derrière le second pour justifier ses errances, pour se dédouaner de ses fautes.
Non, je n’ai pas de critique littéraire à faire sur ce texte. Parce que tout n’est pas littérature. Dans ces pages, Vanessa Springora raconte l’horreur et ses conséquences. Tout ce qu’il y a faire, c’est respecter sa parole et arrêter de détourner le regard.
« Prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. » (p. 5)
« Certaines personnes ne comprendront jamais rien à l’amour. » (p. 14)
« Je lis, trop tôt, des romans auxquels je ne comprends pas grand-chose, si ce n’est que l’amour fait mal. Pourquoi souhaite-t-on si précocement être dévoré ? » (p. 18)
« La présence de cet homme est cosmique. » (p. 25)
« Dès que j’ai mordu à l’hameçon, G. ne perd pas une minute. » (p. 28)
« Comment pourrait-il être mauvais, puisqu’il est celui que j’aime ? » (p. 58)
« En dehors des artistes, il n’y a guère que chez les prêtres qu’on ait assisté à une telle impunité. La littérature excuse-t-elle tout ? » (p. 136)