Quatrième de couverture – Dans la malle laissée par sa grand-mère Maroussia avant sa mort, Nora découvre des lettres que celle-ci avait échangées avec son grand-père, Jacob. Féministe avant la révolution, danseuse artistique et communiste ardente, la belle Maroussia a ses propres convictions intellectuelles. Mais le poids de l’histoire soviétique va peser sur leurs rêves et sur leurs ambitions. Et quand Jacob est relégué en Sibérie sous l’accusation de sabotage, même son fils, le père de Nora, lui tourne le dos. Le destin du grand amour de ses grands-parents ne reflète cependant que le début des événements qui marqueront la vie de Nora. Scénographe passionnée et assoiffée de liberté, elle choisit elle-même ses amants et ses projets, élève son fils seule et découvre peu à peu la puissance de ces liens avec ses proches. Sur les traces de la correspondance de ses propres grands-parents, Ludmila Oulitskaïa conte avec autant de tendresse que d’ironie mélancolique les hauts et les bas, la grande et la petite histoire de quatre générations d’une famille, tout en décrivant délibérément ce grand XXe siècle russe comme celui des femmes.
Pour une fois, je présente la quatrième de couverture parce qu’elle est très bien rédigée. Au fil des quelque 600 pages de ce roman, nombreuses sont les existences qui se croisent, dans un arrangement où la chronologie n’a pas sa place. Jacob, musicien et lecteur insatiable ; Maroussia, artiste indépendante et flamboyante ; Nora, scénographe sensuelle et audacieuse ; Yourik, musicien curieux ; Heinrich, fils si désireux de protéger sa mère : tous constituent une famille qui, de génération en génération, connaît les visages successifs de la Russie.
Je retiens de ce grand roman que les femmes peuvent certes être des mères et des épouses, mais toujours en restant les personnages de leur propre existence, les actrices de leur histoire. « Le destin avait voulu que toute sa jeunesse, elle soit l’épouse d’un seul homme, mais intellectuellement, elle était une femme libérée, une femme moderne, émancipée. » (p. 507) L’échelle de Jacob est un texte profondément féminin et féministe. En écrivant l’histoire de sa famille, l’autrice s’inscrit dans une continuité artistique et affranchie qu’aucun régime politique n’a sur réduire au silence.
Je vous laisse avec quelques belles phrases de ce somptueux roman.
« Elle mettait tout le monde sens dessus dessous. Elle était si talentueuse, si rayonnante, et elle n’en faisait qu’à sa tête. » (p. 22 & 23)
« Ces papiers dormant dans l’obscurité attendirent leur heure pendant de longues années, jusqu’à ce que tous ceux qui auraient pu répondre aux questions suscitées la lecture de ces vieilles lettres soient morts et enterrés. » (p. 31)
« Les lettres de Maroussia me font peut-être encore plus d’effet que sa présence. » (p. 187)
« Un mariage ne repose pas sur des timbres-poste. Viens me voir ! » (p. 489)