« Antan est l’endroit situé au milieu de l’univers. » (p. 7) Le petit village polonais est traversé par trois rivières et ses habitants semblent y vivre de toute éternité. Mais l’histoire se rappelle à cette région. La guerre de 1914 frappe au loin et fait disparaître des voisins. Puis la guerre de 1939 prend ses quartiers dans la région, et chacun peut voir le visage de l’ennemi, capable du massacre inepte de chiens faméliques. « Le moulin, ce moteur qui activait le monde, s’était tu. » (p. 37) La famille du meunier, la grande maison des châtelains, la misérable existence des laissés pour compte, tout cela se noue dans une histoire unique. Il y a le temps des êtres, le temps des choses et le temps d’entités immatérielles, tous simultanés, mais certains frappés du sceau de la finitude. Alors que les générations passent, les individus se laissent porter par leurs ambitions et leurs rêves, mais comme leurs parents avant eux, il leur faudra laisser la place aux autres après eux. « Le monde ne saurait être amélioré ni rendu pire. Il doit rester tel qu’il est. » (p. 303)
Ce conte philosophique m’a rappelé Le livre des nuits de Sylvie Germain. Le réalisme magique y est discret, mais évident, et il y a cette façon de présenter l’enchaînement ininterrompu des générations et la course du temps que rien n’arrête. Il ne faut pas chercher à tout comprendre ni à tout expliquer. S’il reste des mystères, c’est que le monde – ou Dieu – l’a voulu ainsi.
J’ai découvert l’autrice avec Sur les ossements des morts qui ne m’a pas convaincue. Je suis heureuse d’avoir tenté un autre titre de son œuvre !