Maudits

Roman de Joyce Carol Oates.

Quatrième de couverture – Jusqu’alors un havre de savoir, paisible autant que réputé, Princeton est encore en ce mois de juin 1905, une communauté anglo-saxonne riche et privilégiée sous tous les rapports. Mais ce matin-là, à l’heure même de son mariage, au pied de l’autel, Annabel Slade, fille et petite-fille d’une des grandes familles des lieux, est enlevée par un homme étrange, vaguement européen, plus ou moins prince et qui, en fait pourrait bien être le Diable en personne. Et Princeton ne sera plus jamais comme avant. L’affaire plonge non seulement les Slade dans la honte et le désespoir, mais elle révèle l’existence d’une série d’événements surnaturels qui, depuis plusieurs semaines, hante les habitants de la ville et ses sinistres landes voisines. Habitants parmi lesquels on compte Grover Cleveland (qui vient juste de terminer son second mandat à la Maison-Blanche), Woodrow Wilson, président de l’Université, un individu compliqué obsédé par l’idée du pouvoir, ou encore le jeune socialiste Upton Sinclair et son ami Jack London, sans oublier le plus célèbre des écrivains/buveurs/fumeurs de l’époque, Samuel Clempens-Mark Twain, tous victimes de visions maléfiques. La noirceur règne parmi ces personnages formidables que Josiah, le frère d’Annabel, décidé à la retrouver, va croiser au cours de cette chronique d’une puissante et curieuse malédiction : car le Diable est vraiment entré dans la petite ville et personne n’est épargné… à part le lecteur à qui est offerte avec ces Maudits une fascinante étude des mœurs et de l’histoire politiques des États-Unis au XIXe siècle.

Je fais confiance à la quatrième de couverture pour résumer cet exceptionnel pavé de Joyce Carol Oates ! Cette lecture addictive m’a tenue en haleine les derniers jours d’octobre, alors que la soirée d’Halloween se profilait. Maudits est le genre d’histoires à raconter pour se faire délicieusement peur. Et le narrateur sait y faire : historien de son état, il nous dit avoir compilé des lettres, des confessions, des journaux intimes, des articles de presse et bien d’autres sources pour retracer l’historique de la Malédiction. « Car Maudits se veut un ouvrage interrogeant la complexité morale des faits, et non une resucée “sensationnaliste” d’un ancien et terrible scandale qu’il vaut mieux laisser moisir dans la tombe ! » (p. 267) Dans ces pages, il est question d’un royaume des marécages, d’un double lynchage, d’un serpent noir, de nombreuses morts spectaculaires et de revenants. Que faut-il croire des événements rapportés ? « Tel est le dilemme de l’historien : nous pouvons consigner les faits, nous pouvons les assembler, fidèlement et méticuleusement, mais nous ne pouvons les interpréter que jusqu’à un certain point. Et nous ne pouvons créer. » (p. 187)

Une fois encore, Joyce Carol Oates explore à plaisir et à merveille l’histoire américaine et ses obsessions, en mêlant le vrai et la fiction. Comme dans Mon cœur mis à nu, elle propose une image étrange de l’Amérique, à l’instar d’une photographie sépia qui laisserait apparaître un spectre en arrière-plan. Tremblez, vous qui ouvrez ce livre, le mal imprègne chaque page !

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