Le vent reprend ses tours

Roman de Sylvie Germain.

Alors qu’il le croyait mort depuis 27 ans, Nathan retrouve la trace de Gavril avant de la perdre à nouveau, définitivement. L’homme se souvient : il avait 9 ans en 1980. Enfant maladroit et peu loquace, son seul ami était ce saltimbanque vagabond venu de Roumanie, érudit et poète. « Il avait le sens de la joie […]. Il disait que la joie, on peut en donner sans compter, même quand on n’en éprouve pas soi-même, parce que du seul fait d’en donner, on la crée. De la joie ex nihilo ! » (p. 66) Nathan part à la recherche des souvenirs et de l’histoire de Gavril, marginal extravagant et secret : en retraçant la vie de ce compagnon jamais oublié, il découvre la sordide extermination des Roms pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il reconstitue un passé de douleurs et de renoncements, mais aussi l’indéfectible résistance dont Gavril a fait preuve grâce aux mots, les alignant comme autant de protections et de passerelles vers la liberté. « Exhumer Gavril de la méconnaissance où il était relégué, lui élever un tombeau pour mieux l’en libérer, plus vif. » (p. 85) Nathan cherche également à se pardonner, à se départir une longue culpabilité. Arrivé à la presque moitié de sa vie, il découvre comment renaître, accoucher de lui-même et reprendre les rênes de son destin. « Il s’était si longtemps cru fautif de cet homme, par imprudence, par inconscience. Et ce méfait n’était que la confirmation d’une faute primitive – d’être né sans s’annoncer, hors désir. D’être né, tout simplement. » (p. 103 & 104)

Sylvie Germain dissimule dans les ellipses et les silences les plus beaux sentiments et les plus grands chagrins. Ce qui n’est pas dit retentit pourtant si puissamment qu’il est impossible d’y échapper. Dans ce roman de quête, voire de reconquête, l’autrice nous offre le grand miracle du pardon, comme autant de bouquets de fleurs anonymes. Je pensais bien connaître l’œuvre de Sylvie Germain, mais j’ai découvert par hasard ce court roman qui m’a fait retomber amoureuse de cette autrice au talent si sensible.

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Une réponse à Le vent reprend ses tours

  1. Lydia dit :

    Je ne connais pas ce roman. J’aime beaucoup cette romancière au style si poétique !
    J’en profite pour te féliciter : l’interview sur Babelio est top !

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