Roman de Blake Crouch.
« J’ai fait quelque chose qui a provoqué cette situation. » (p. 15) Ancien physicien atomiste prometteur, Jason est devenu professeur de physique dans une faculté de seconde zone. Marié et père, il est heureux, mais ne peut pas s’empêcher de se demander comment aurait tourné sa vie s’il avait pris d’autres décisions. D’étranges et violents évènements lui apportent des réponses à ce questionnement : le voilà dans un monde où il n’est pas marié à Daniela et où leur fils Charlie n’existe pas, mais où il est un scientifique reconnu qui a concrétisé une des énigmes de la physique quantique. « Je sais que vous me prenez pour un dingue, mais je n’ai pas de tumeur au cerveau, ce n’est pas un canular, et je ne suis pas fou. » (p. 74) Pour retrouver son monde, Jason est prêt à tout. Si vous connaissez la (vieille) série Sliders, vous connaissez la suite. « S’il existe une infinité de mondes, comment retrouver celui qui m’appartient à moi seul ? » (p. 155)
Blake Crouch est l’auteur de Wayward Pines, trilogie adaptée en série dont j’avais beaucoup apprécié les premiers épisodes, mais pas du tout les derniers. Même constat avec ce roman : il y a une idée de départ géniale, vraiment exceptionnelle, mais elle perd rapidement en intensité et tout devient convenu et prévisible. Ajoutez à cela un style plat et médiocre, ça n’aide pas à achever la lecture. « Les huit dernières heures de ma vie n’ont aucun sens. Tout paraît réel, mais… ce n’est pas possible. » (p. 50) Cependant, je suis allée jusqu’au bout parce que, 60 pages avant la fin, il y a un nouvel élément intriguant qui relance un peu l’intérêt. La conclusion est plutôt bonne, mais assez mièvre. Le livre fait l’objet d’un projet de film : reste à savoir si j’ai envie de m’infliger l’adaptation passée à la moulinette d’Hollywood d’un roman à la qualité assez moyenne.
« La théorie du multivers en mécanique quantique part du principe que toutes les réalités possibles existent. Que tout ce qui a une probabilité de se produire se produit. Tout ce qui aurait pu arriver dans notre passé est arrivé, mais dans un autre univers. » (p. 101) Si la théorie des cordes, la superposition quantique et la matière noire ne vous passionnent pas, passez votre chemin. Le roman n’en donne qu’une approche très sommaire, et le pauvre chat de Schrödinger en prend une nouvelle fois plein la tronche. Néanmoins, il y a un point intéressant dans le roman, c’est la réflexion sur l’identité et le fil de l’existence. « Je peux maintenant oublier la piqûre permanente des regrets dans mon existence. Les chemins dont je me suis détourné ne sont pas l’inverse de ce que je suis devenu. » (p. 163) Ça fait un peu réfléchir sur les choix et les renoncements, mais aussi sur le libre arbitre, l’autodétermination, la destinée, etc. Mais surtout, ça interroge sur le fait d’être ou non le maître d’une histoire dont nous sommes le héros. « Nous valons plus que la somme de nos parties. Les voies dont nous nous sommes détournés constituent elles aussi notre identité. » (p. 231) Sauf que – sans doute aurais-je dû commencer par ça –, toute l’intrigue du roman repose selon sur une incohérence majeure que je m’abstiens de détailler pour préserver l’intérêt du livre à ceux qui voudraient l’ouvrir. Je suis peut-être trop cartésienne (en fait, non, pas du tout), mais je sais que comme les voyages dans le temps, les voyages entre des réalités superposées/simultanées/parallèles sont un sujet vraiment casse-gueule. Et quand l’auteur se prend les pieds dans le tapis en page 40, les 190 pages restantes sont bien difficiles à avaler.