
Roman de Rivers Solomon.
Ezri vit en Angleterre depuis des années, ayant décidé de s’éloigner autant que possible de la maison où iel a grandi, dans une banlieue privilégiée du Texas. Le retour est cependant inévitable quand ses parents sont retrouvés morts dans la demeure. Avec ses sœurs, Ezri doit une nouvelle fois se confronter à la maison qui a traumatisé son enfance : entre ses murs, il y a la Mère Cauchemar, la femme sans visage qui vit dans le grenier et mille autres spectres toujours prêts à accomplir de sinistres méfaits. Outre les funérailles et la succession, ce que les trois adultes doivent régler, c’est une montagne d’incompréhensions. Par exemple, pourquoi leurs parents n’ont jamais quitté cette maison notoirement dangereuse ? « La terreur incessante qui sévissait chez nous a fait d’Eve un monstre d’efficacité, de moi une personne séparée de son corps, et d’Emmanuelle un paquet de névroses. » (p. 46) Pourquoi leurs parents se sont-ils entêtés à rester dans cette banlieue chic où la famille était la seule à être noire ? « C’est cruel, que nos parents vivent à l’intérieur de nous sans qu’on puisse les exorciser. C’est cruel, de ne jamais pouvoir dépêtrer notre être de leurs fantômes. » (p. 32)
Quelle claque que ce roman d’horreur ! Le thème de la maison hantée met parfaitement en lumière les problématiques racistes d’une Amérique bien-pensante. La non-binarité d’Ezri est non seulement une remarquable caractérisation du personnage, mais aussi une réflexion très juste sur l’identité et les troubles dissociatifs. « Je ne suis pas une personne, je suis un lieu où se produisent des choses horribles. » (p. 52) Model Home est enfin le très beau roman de la guérison d’une fratrie à l’âge adulte, les personnages étant obsédés par ce qu’iels pourraient transmettre à leurs propres enfants. En pansant leurs blessures de jeunesse, Ezri, Eve et Emmanuelle se créent une nouvelle relation, enfin apaisée. J’ai hâte de lire d’autres textes de cet·te auteur·ice.