Juette est née en 1158 dans la ville de Huy, en actuelle Belgique. Mariée à treize ans à un homme bien plus âgé qu’elle, elle est veuve cinq ans plus tard, après deux grossesses. Dès lors son existence sera une révolte perpétuelle. Elle abandonne la garde de ses enfants, offre ses biens aux lépreux et s’installe auprès d’eux. Refusant tout contact avec les hommes qu’elle juge barbares, dont elle abhorre la brutalité et la lubricité, elle prend la tête d’une communauté de béguines à qui elle enseigne le refus du mariage, la chasteté, la pureté du corps et de l’âme. Elle défend une nouvelle liberté de croire, débarrassée des amendes à payer à l’Église. Elle dénonce les religieux lubriques et fait éclater les scandales, dévoilant des existences de fausse vertu. Atteinte de visions mystiques, elle rassemble les foules et inquiète les autorités religieuses. Sa démarche de croyante s’apparente à celle des cathares qu’elle admire. Pour se rapprocher de la Dame Blanche et du Christ, elle est prête à tout abandonner, à renoncer à tout, pour vivre sa passion, pour souffrir comme le fils de Dieu. Son seul ami et confident est le prêtre Hugues de Floreffe qui tentera tout pour la protéger des hommes, de l’Église et d’elle-même.
Voilà un puissant récit mené dans une langue riche et parfaitement maîtrisée. La construction du texte à deux voix, d’une part celle de Juette, de l’autre celle de son ami Hugues, est une réussite. Dans un dialogue tacite, chacun comble les lacunes de la parole de l’autre. La vie de cette sainte laïque est fidèlement retracée. Le personnage de Juette, de fragile et délicat, acquiert une épaisseur fascinante au fil des lignes. La petite béguine de Belgique donne un exemple à suivre des plus convaincants. Encore un livre que je conseille à ceux qui cherchent de vrais héros, des héros humains.