Roman historique de Gloria Cigman.
1337, en Angleterre. Alison est la dix-septième enfant de la maison. Aucun de ses frères n’a atteint l’âge adulte, sauf un, Benjamin, qui est né idiot. Pour son père, cette nouvelle fille pourrait être un fardeau supplémentaire. Mais il décide que l’enfant sera élevée comme un homme, qu’elle apprendra le métier de tisserand et de négociant en laine. Alison porte sur ses jeunes épaules l’espoir de son père et le salut de sa famille ruinée. Son enfance n’en est pas vraiment une. Très tôt, elle suit son père dans ses voyages et l’observe dans son négoce. Mariée à 12 ans à un homme de l’âge de son père, elle sait que cette union sauve les siens de la misère et de la faim. Alison résiste avec peine aux tentations de la chair. Mariée 7 fois et veuve 6 fois, elle expie ses péchés et sa honte dans de longs et douloureux pèlerinages à Walsingham, Vézelay en Bourgogne, Cologne, Jérusalem ou Compostelle.
Alison éprouve une grande vénération pour Marie-Madeleine, « la femme toute ordinaire qui devint une grande sainte en dépit de sa faiblesse humaine. » (p. 239) Taraudée de désir et d’appêtit charnel, Alison succombe plusieurs fois mais garde au fond d’elle une envie sincère de repentir et d’humilité. « Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi les consolations de la chair que Dieu a créée devraient être l’apanage du Diable et de lui seul. » (p. 218) Il lui faut toute une vie pour parvenir à un état de quiétude, libérée de ses souvenirs et de ses craintes d’Enfer. En dépit d’une activité religieuse intense, Alison se pose beaucoup de questions sur Dieu et l’Église. « J’avais appris que ce qui est convenable n’est pas ce qu’il y a de mieux. » (p. 191) Les certitudes et les évidences que son amie Matilda, religieuse, lui opposent ne lui suffisent pas.
Ce roman présente avec finesse une période marquée par la guerre contre la France, les épidémies de peste et les pèlerinages. Les processions, longues et nombreuses, se rendaient dans les lieux saints de la chrétienté, sur les autels où des reliques étaient conservées ou sur les lieux des apparitions.
Le récit est un assemblage de discours a posteriori. Les narrateurs sont nombreux et reprennent des épisodes déjà décrits par d’autres. Alison, à la fin de sa vie, confie à un scribe le récit de son existence. Sa grand-mère Banmaman, son amie Matilda ou Lollius l’éternel amoureux prennent parfois la parole pendant quelques pages. Le tout donne forme à un discours qui ressemble moins à une confession qu’un bilan. Alison ne regrette rien, assume ses choix et ses erreurs. Elle s’impose comme un personnage légendaire, tirée de l’oubli de la longue file des pénitents.
Le roman de Gloria Cigman se lit rapidement, mais je n’ai pas éprouvé beaucoup de sympathie pour Alison. Cette femme, capricieuse et habituée à un confort exagéré, dépravée à ses heures et orgueilleusement repentante, est une épouse odieuse et une mère indigne. L’histoire est très bien écrite, mais la femme n’a pas gagné ma compassion.