Album de photographies de Barry Feinstein.
Quatrième de couverture (une fois n’est pas coutume et elle est sublime !)
« Le livre que vous tenez entre les mains contient une série de photos prises à différents moments, la plupart pendant la tournée 1966 (sans Levon Helm qui a été remplacé par Mickey Jones). C’était la première tournée électrique européenne de Bob après le 1965 Acoustic Tour documenté par Don’t Look Back de D.A. Pennebaker. Les légendes de Barry expliquent les circonstances, ses photos racontent l’histoire. En contemplant ses images j’espère que vous verrez ce que Barry Feinstein voyait. » (Préface de Bob Neuwirth)
Une centaine de photos en noir et blanc, Bob Dylan crève les pleines et doubles pages. Il se sait bel homme et son image le précède : lunettes noires, pantalon rayé, harmonica à portée de lèvres, guitare, cigarettes, mèche de cheveux négligemment travaillée… Mais il n’en abuse jamais. Au-delà des apparences, il n’est jamais ridicule et dégage une humilité sans pareille. Le génie est là, sans aucun doute. L’album lui rend hommage, mais celui que l’on voit, c’est l’homme derrière les flashes, l’artiste des backstages, celui qu’on croyait inaccessible. Comment le rencontre-t-on, ce Bob Dylan secret ? Simplement : Barry Feinstein ne cherche pas la photo qui fera sensation, mais la photo qui est vérité. « Presque toutes mes photos de Dylan ont été prises à son insu. On se faisait mutuellement confiance, ce qui me permettait de le capturer tel qu’il était – dans la solitude et l’isolement d’être Bob Dylan. » (p. 108)
La complicité et l’amitié sont patentes entre Bob Dylan et Barry Feinstein. Elles s’illustrent par le degré d’intimité qu’atteignent les photos. « Bob et moi étions amis depuis longtemps avant de commencer à travailler ensemble. On traînait ensemble et on se comprenait l’un l’autre. Lorsqu’on avait quelque chose à dire on parlait, lorsqu’on n’avait rien à se dire on restait silencieux. » (p. 7) À entendre Barry Feinstein, on veut bien croire que travailler avec Dylan ressemblait au bonheur. Mais si ces deux-là se connaissaient vraiment, l’intimité n’a jamais empiété sur le respect. « C’est en cela que je crois que les photos que j’ai faites sont différentes, parce qu’il savait que je n’utiliserais rien qui ne soit pas à son avantage. » (p. 15) Barry Feinstein a montré l’intimité et les fragilités de Bob, mais il n’a pas brisé le mythe. Au plus fort de l’humanité révélée du poète subsiste toujours le mystère Dylan.
Contrairement à un Jim Morrison qui jouait avec l’objectif, Bob Dylan témoigne une superbe indifférence au photographe. Il ne se met pas en scène et toutes les photos sont des morceaux choisis parce qu’elles sont authentiques et viscéralement sincères. Le noir et blanc sublime cette authenticité. Pas de paillette ni de poudre aux yeux, juste un homme. « Je n’ai jamais utilisé de flash pour mes photographies. Je shootais en utilisant des pellicules noir et blanc ; la couleur pouvait être trompeuse. Cette tournée se prêtait au noir et blanc – c’était journalistique, un reportage, la réalité ! Même si la photo est sombre et ténébreuse, c’est plus réel. » (p. 44) C’est Barry Feinstein qui le dit : il cherchait à immortaliser le réel. Et ce faisant, il a produit un chef-d’œuvre inattendu.
De planches contact en portraits, on suit Bob Dylan à Londres, à Liverpool ou en Écosse. On le croise en compagnie de Françoise Hardy et, plus cocasse, de Johnny Hallyday. Quelques enfants passent par-là et ça donne une photo inoubliable. L’image que je retiens de cet album, c’est une sublime prise de vue des mains de Bob Dylan. Rien qu’à les voir, on entend tout ce qui en est sorti. « Nombreuses sont les personnes qui peuvent tenir un appareil photo et appuyer sur le bouton. Mais tout le monde ne peut pas faire une photo qui chante. Comme une superbe chanson, une superbe photographie doit raconter une histoire. » (Préface de Bob Neuwirth) Ce grand et bel album ne se lit pas, il se regarde à peine. Pour bien faire, il faut l’écouter et percevoir la mélodie qui n’en finit pas de sourdre des pages. Chaque image a sa bande originale : pour peu qu’on prête l’oreille, on ne peut pas la manquer…