Premier roman de Pierre Noirclerc.
Pierre, la vingtaine un peu entamée, monte à Paris dans l’espoir de faire quelque chose de sa vie. Mais il n’y trouve que la solitude et une forme vicieuse de galère. « J’avais pas toujours souffert d’insomnie. J’avais pas toujours été obligé de boire pour dormir et pour supporter la vie éveillé. Ça remonte à loin. Je devais être enfant et avoir de l’espoir. » (p. 96) Chaque démarche, professionnelle ou personnelle, est une nouvelle incarnation de la lutte pour la survie. « J’ai pensé à tous ces gens qui ont le pouvoir et qui l’utilisent pour briser des échines et accabler leur prochain. Les hommes politiques, les grands patrons et les petits chefs, les musiciens et les femmes. » (p. 68) Autant dire que Pierre ne situe pas bien haut sur l’échelle de la réussite ou de l’ambition. D’ailleurs, selon lui, « l’ambition, c’est quelque chose qui résulte de l’angoisse de manque. Moi, je manquais de tout donc rien ne pouvait me manquer. » (p. 161)
Quelques velléités d’écriture le taraudent, mais comme il dit, « on est écrivain qu’une fois qu’on a publié. En attendant, on est un tocard. » (p. 137) Du fond de son inaptitude, Pierre jette un œil lucide sur ce qu’est devenue sa vie. Entre tuer le temps et tout faire pour oublier qu’il passe, il boit trop et postule sans enthousiasme à des offres d’emploi qui ne lui correspondent pas. D’entretiens foireux à des jobs minables, il survit comme il peut avec le RSA et les allocations et trompe la solitude en rencontrant des filles sur Internet. Après plusieurs relations maladroites ou sans intérêt, il rencontre Chloé. Elle est belle, sa carrière débute et elle ne semble pas vouloir le jeter comme un malpropre. D’accommodements en renoncements, Pierre trouve pied dans une existence qui n’est malgré tout pas vraiment faite pour lui. Mais il faut bien avancer, avant de laisser sa place à d’autres.
Entre cynisme et lassitude, ce premier roman brosse un portrait convaincant d’une génération perdue. La langue est enlevée et je ne me suis pas ennuyée un instant. Les pages se tournent à toute allure et c’est sans mal que je me souvent reconnue entre les lignes. Galère, mon amie, tu as bien des visages… Y a-t-il des échos autobiographiques dans ce roman ? Probablement, mais ce n’est pas ce qui importe. C’est plutôt de voir que le mal de vivre version 2.0 peut s’écrire avec autant de talent que le mal de vivre d’un Baudelaire ou d’un décadent.
Un grand merci à l’équipe du site qui m’a envoyé ce premier roman très réussi et un autre merci à Pierre Noirclerc pour son aimable dédicace. L’auteur a été découvert par les professionnels du site et on peut saluer leur flair !