Album composé d’un recueil de poésie de N’Fassory Bangoura et de photographies de Philippe Geslin.
Cet ouvrage est composé des carnets de N’Fassory Bangoura et des photographies de Philippe Geslin. Le premier raconte la cuisson du sel et la culture du riz et de l’arachide. Le second fait œuvre d’ethnologue et immortalise des scènes de travail, de vie quotidienne et des visages. Le titre de l’ouvrage est emprunté à un conte soussou. « Nous sommes dans un monde où l’oralité est un support de connaissance, laissant une place timide à l’écriture. » (p. 13) Cette réalité ne fait que renforcer la valeur de ce texte, écrit en soussou. La démarche de N’Fassory Bangoura est inédite et ambitieuse, mais également très humble. Il ne cherche pas la reconnaissance pour lui-même, mais pour la communauté. « Il a envie d’écrire, de raconter son histoire, celle de son village ; réflexivité, modestie des regards, dialogues silencieux, fécondité révélée au terme des lignes accumulées sur trois cahiers d’écolier. » (p. 41)
Les phrases sont courtes et révèlent des considérations avisées sur le monde. Le texte dénote d’un optimisme et d’une remarquable foi dans les hommes. Cet ouvrage, entre mots et images, interroge sur la place laissée à l’étranger et sur les relations avec l’autre. « J’ai eu de bonnes relations avec les étrangers, j’ai eu l’esprit. Tous les hommes sont bons, mais chacun a son esprit. Si tu sais cela, tu peux travailler pour tous les hommes. On ne peut pas dire que tous les hommes sont mauvais, non. » (p. 58)
Comme une douce psalmodie, le texte se déploie sans effort et chante avec une modestie superbe la valeur du travail et la richesse de l’éducation, la beauté des relations humaines et le prix du respect que l’on doit à l’autre, quel que soit son visage. De questions en conseils, les cahiers du paysan Soussou font la part belle à la vie simple et méritante. « Tout travail commence avec le courage. Si tu n’es pas courageux, tu te fatigues. Le courage sert de support à tout travail. Si tu as le courage d’entreprendre un travail, tu reçois l’aide de Dieu. Il t’aide sans rien te demander en retour. Il t’aide simplement pour que tu fasses ce travail et que tu en vives. Dieu aide les travailleurs. Ce n’est pas pour l’homme qui est assis. » (p. 111) Il ne s’agit pas d’une morale handicapante, mais d’une philosophie de vie qui tire le meilleur de l’homme.
La saliculture est présentée comme un ouvrage ardu. « La cuisson du sel est difficile, le gain est petit. À tout travail, son gain. » (p. 95) Mais c’est surtout une pratique dangereuse pour l’environnement et qui favorise la déforestation. En deux ans de cahiers tenus par N’Fassory, on voit les méthodes de travail évoluer et les Soussous adopter de nouveaux outils.
L’ethnie guinéenne des Soussous m’était inconnue et je la découvre avec émotion dans ce bel album. Le format du livre en fait à la fois un carnet de voyage et un précieux ouvrage poétique. Les photographies sont belles, très humaines et puissamment vivantes : même les portraits posés ont un je-ne-sais-quoi de dynamique, comme une pulsion de vie que l’objectif ne saurait pas discipliner. Quand on referme ce livre, on a peu l’impression d’avoir vécu parmi les Soussous.