Un cercle d’hommes prolonge la soirée en racontant leurs expériences de fantôme. L’hôte prend la parole et évoque une étrange apparition, sous la forme de deux yeux qui le fixaient au cœur de la nuit. « Ce n’était pas que les yeux fussent atroces ; ils n’avaient pas la majesté des puissances des ténèbres. Mais ils exhalaient – comment dire ? – un effet physique équivalant à la puanteur : leur regard laissait une trace baveuse d’escargot. » (p. 24) Effrayé par ces spectres en suspension, l’homme a cherché à comprendre : chaque fois qu’il croyait rendre service à quelqu’un en allant contre son intérêt, les yeux apparaissaient. « Ils semblaient tellement prospérer sur le goût de la bonne conscience. » (p. 34) Et, chaque fois, le regard se fait plus mauvais, plus pervers : « je comprenais que ce qui les rendait si mauvais, c’était qu’ils l’étaient devenus lentement. » (p. 34) Cet homme est-il fou ? Que disent de lui ces yeux accusateurs et moqueurs ? C’est en cessant de chercher une cause extérieure qu’il comprendra ce qui cause cette apparition.
Je découvre une nouvelle corde à l’arc d’Edith Wharton. On est loin, très loin, des mondanités new-yorkaises. Ici, on parle de l’âme des hommes et il est facile d’en dresser un terrifiant portrait. J’ai largement préféré cette nouvelle à celles du recueil Une affaire de charme. Edith Wharton est très convaincante dans le registre fantastique, voire horrifique.