À Yahannochia, ville perdue sur une planète isolée de la galaxie, les habitants vivent d’une tradition unique et millénaire : des tisseurs créent des tapis de cheveux destinés à orner le palais de l’Empereur. Pour faire un tapis, le tisseur passe sa vie courbé sur son chevalet et assemble les cheveux de ses femmes et de ses filles. Une fois son tapis achevé, il le donne à son fils qui le vend et commence alors à tisser son propre tapis. « Chaque génération a une dette envers la génération précédente et s’en acquitte auprès de ses propres enfants. » (p. 20)
D’année en année, de siècle en siècle, la caste des tisseurs se dévoue corps et âme à sa mission presque religieuse. « Ce que vous êtes ne vous appartient pas, vous appartenez à l’Empereur, notre maître, et la seule façon pour vous de vivre, c’est d’accepter de vivre à travers lui ! » (p. 41) Il semble que la planète des tisseurs de tapis de cheveux ait été oubliée pendant bien trop longtemps, voire qu’elle ait été forcée à régresser pour mieux se soumettre. « Produire des tapis en cheveux, telle était la sainte mission que l’Empereur avait confiée à ce monde ; mais pour d’obscures raisons, la puissance qui avait soutenu cette mission s’éteint. » (p. 130) Mais voilà une rumeur enfle et envahit la galaxie : on dit qu’une rébellion aurait éclaté et aurait renversé l’Empereur, pourtant immortel et omnipotent. Si l’Empereur a disparu, que deviennent les tapis de cheveux ?
Hum… attention, lecture hautement intéressante ! Si on ne s’attache à aucun personnage, le récit progresse plutôt bien sur de très nombreuses années, voire des décennies. L’enchaînement des points de vue est fluide et présente différentes fonctions essentielles au maintien du système impérial nécessaire à la production et à la transaction des tapis en cheveux. Les personnes que l’on croise d’un chapitre à l’autre finissent par former une véritable chaîne logique. Tout le texte est sous-tendu par une grande violence, mais sa représentation est toujours avortée ou seulement suggérée. J’ai été très impatiente de connaître le mystère qui entoure les tapis de cheveux : si j’ai failli être déçue par la conclusion et l’explication, j’ai finalement été bluffée par la puissance absurde de ce roman. Andreas Eschbach sublime les liens de causalité en soulignant combien une cause ridicule peut avoir des conséquences gigantesques.
Nous verrons bien ce qu’en penseront mes amies du club des lectrices… (pas taper, les filles, pas taper !)