1878 : la guerre de Sécession est terminée, les guerres indiennes également. Les jeunes États-Unis peuvent-ils enfin aspirer à la paix ? Rien n’est moins sûr puisque les Cheyennes parqués dans l’aride Territoire indien ne veulent que partir vers le nord pour retrouver les Black Hills, les terres sacrées de leurs ancêtres. Plutôt mourir que rester soumis à l’homme blanc et à ses lois iniques ! « Bien sûr, leur idée de la liberté n’est pas la même que la nôtre. » (p. 300) Au début, ils ne sont que trois à tenter leur chance. Mais le gouvernement américain a interdit aux Cheyennes de quitter le Territoire indien : la chasse à l’homme commence. « Ils mourront vaillamment. […] On dirait que c’est tout ce qu’ils savent faire ces Indiens, mourir. » (p. 108) Menés par Dull Knife et Little Wolf, c’est ensuite la tribu entière qui s’ébranle vers le nord.
Avec l’énergie du désespoir, ces maigres centaines d’Indiens faméliques entreprennent une fuite qui met en déroute la fière armée américaine. Pendant des jours et des jours, les soldats et les milices civiles traquent en vain des Indiens affamés et à bout de force. « Ces hommes décharnés sur leurs maigres poneys semblaient les fantômes mêmes de leurs morts. » (p. 24) Les affrontements éclatent sporadiquement. Chaque bord s’entête : les Indiens invoquent le droit du sol et les Américains citent la constitution. Hélas, les premiers ne sont pas en mesure de tenir tête aux seconds. « Ils commettaient une faute impardonnable : ils considéraient que le sol sur lequel ils avaient toujours vécu était le leur ; et leur croyance était assez forte pour qu’ils se battent et meurent pour elle. » (p. 13) Dans leur marche funèbre vers Wyoming, les Cheyennes déclenchent des terreurs chez les hommes blancs. Désormais, il n’y a plus d’issue, il ne faut pas les laisser s’échapper !
Cet épisode de l’histoire amérindienne est profondément révoltant : au nom d’une loi bornée, une majorité d’hommes refuse à une minorité la seule chose qui lui permettrait de vivre en paix. Aux yeux du Blanc, le conflit vaut mieux que la transgression d’une règle, transgression dont la conséquence serait pourtant bénéfique aux deux bords.
Il y a beaucoup de discours dans ce texte. La question indienne est débattue dans tous les sens, par tout le monde. Journalistes, religieux, civils, militaires, politiques, il n’est pas un Américain qui ne croit mieux comprendre le sujet que son voisin. Le récit est toujours mené du point de la vue de l’homme blanc, l’Indien n’étant déjà plus qu’un élément du décor, un protagoniste obligatoire, mais inopportun. Triste Histoire…