Aio Zitelli ! – Récits de guerre 14-18

Bande dessinée de Frédéric Bertocchini (scénario) et d’Inaki Holgado (dessin).

À la fin de l’été 1914, la mobilisation générale appelait les Français sous les drapeaux. Tous les Français, même les insulaires. Les Corses mobilisés, pour certains, quittaient pour la première fois leur île. Parmi eux, il y a des vieux et des enfants, aucun n’imaginant ce qui les attend alors qu’il y a tant à faire au pays, les labours et le reste. La guerre se charge rapidement de faire tomber les illusions. « Nous n’étions pas des assassins… C’était eux ou nous… Pas des assassins… Eux ou nous… Putain de guerre ! » (p. 25)

Les tranchées, le froid, la faim, la vermine, tout cela a déjà été écrit et lu, mais ici, on parle des poilus corses qui, dans certaines missions, se sont illustrés. Quelque part dans les Vosges, une plaque leur est dédiée, à eux qui ont quitté une île de soleil pour se battre dans la neige et creuser des galeries sous les tranchées ennemies. « On nous appelait ‘les Corses’, alors que c’était pour la France que nous nous battions. Nous étions misérables. Désespérés. Mais fiers. » (p. 19)

Cette bande dessinée m’a rappelé Le bataillon créole de Raphaël Confiant qui raconte comment d’autres iliens ont tout quitté pour défendre la métropole, laissant des familles qui devaient faire face à l’absence des hommes, à l’incertitude et au chagrin. Il est manifeste que l’auteur s’est grandement documenté pour écrire son scénario : les noms, les situations et les lieux sont véridiques, certaines paroles également, et tout cela rappelle que si la guerre peut être un sujet de fiction, elle reste avant tout marquée du sceau de la réalité.

L’image est très dynamique et si la mort est très présente, il n’y a aucun étalage inutile de violence et de douleur. Bien que sobre, le dessin est doté d’une belle force évocatrice, quelques coups de crayon suffisant à en montrer beaucoup. Les chapitres parlent des vivants, des morts et des rescapés, sur le mode de la lettre envoyée ou reçue. Le dialogue a toujours lieu avec l’absent, celui qui est prisonnier de la tranchée ou de la geôle ou celui qui est resté au pays, chacun éprouvant une solitude déchirante et un manque incommensurable, bravement dissimulés sous un masque de courage et d’espoir.

J’adresse toutefois un reproche à cet ouvrage : chaque chapitre se concentre sur un personnage pendant quelques courtes pages et l’abandonne au chapitre suivant. Il est donc difficile de s’attacher à une figure et de la suivre. Certes, les victimes de la guerre ont mille visages et mille douleurs, mais le découpage de cette bande dessinée est trop haché à mon goût. Et s’il permet une progression temporelle dans les années de la guerre, il ne m’a pas laissé le temps de saluer chacune des figures choisies par l’auteur.

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