Au volant de sa coccinelle déglinguée, Taylor Greer quitte le comté de Pittman, dans le Kentucky, pour partir vers l’ouest. Alors qu’elle fait réparer sa voiture, on lui donne une enfant, une petite Indienne. Une chose en entraînant une autre, Taylor débarque à Tucson avec la fillette, surnommée Turtle. « Elle n’est pas vraiment à moi. C’est juste qu’elle m’est restée sur les bras. » (p. 78) Taylor rencontre Lou Ann, jeune maman abandonnée par son époux et fascinée par les catastrophes. À elles deux, elles vont s’organiser une vie autour des deux enfants et peu à peu se créer la famille dont elles manquaient. Autour de ce foyer un rien de guingois gravitent une foule d’amis et de bonnes âmes : les clandestins Estevan et Esperanza, les vieilles Edna Poppy et Virgie Mae ou la dynamique Mattie.
Ce roman mêle avec talent une légèreté très fraîche et une gravité sourde : inutile de se faire des illusions, la vie, ça n’est jamais tout rose et jamais facile. C’est même parfois franchement atroce. « C’est difficile à expliquer, mais il y a des horreurs qui se situent au-delà des larmes. Pleurer, ce serait comme se faire du souci parce que les meubles vont être tachés quand la maison est en flammes. » (p. 189) Et pourtant… Turtle est une grâce dans la vie de Taylor : sans le savoir, elle interrompt ce qui aurait pu être une fuite sans fin. Cette petite Cherokee au lourd passé dépose la graine d’un avenir prometteur et réconcilie Taylor avec l’idée de maternité. « Tes enfants, ils sont pas vraiment à toi, c’est juste des gens dont tu essaies de t’occuper, en espérant que plus tard ils continueront à t’aimer et qu’ils seront toujours entiers. » (p. 314)
Offert par une lectrice amie qui me comprend, ce roman m’a grandement émue. Il aborde avec finesse des sujets d’importance : la féminité, la famille ou encore la solidarité, ce ne sont pas des thèmes que l’on peut galvauder. Barbara Kingsolver s’en garde bien et son premier roman porte en germe ce que j’ai tant apprécié dans son autre texte, Dans la lumière.