Roman de Nick Hornby. À paraître le 19 août.
À peine élue Miss Blackpool, Barbara rend sa couronne et part à Londres. « Barbara savait qu’elle ne voulait pas être reine d’un jour, ni même d’un an. Elle ne voulait pas être reine du tout. Elle voulait juste passer à la télévision et faire rire les gens. » (p. 15) Elle commence par changer son nom : désormais, elle est Sophie Straw et elle est bien décidée à décrocher un rôle. La chance lui sourit quand elle rencontre Bill et Tony, scénaristes qui travaillent en duo et qui planchent sur un sketch pour l’émission Comedy Playhouse sur la BBC. Ce qui ne devait être qu’un épisode d’un soir devient une série comique à succès, Barbara (et Jim). Sophie devient une star du petit écran et savoure sa popularité. À ses côtés, son partenaire à l’écran, Clive, devient son partenaire dans la vie parce que c’est un peu ce que tout le monde attend : un bel acteur sort avec une belle actrice et le glamour de leurs personnages rejaillit sur leur vie privée. « Barbara et Jim n’étaient plus des personnages de fiction. Leur popularité et tout ce que le public projetait sur eux les avaient rendus réels et ils avaient bien besoin qu’on leur prodigue de l’attention et des conseils. » (p. 186)
Mais derrière le succès, le glamour et le rêve, il y a la vie, la vraie, et son défilé de tracas. Clive est jaloux de la renommée de Sophie. « Clive ne percerait jamais, pas de la façon dont il le voulait. Il voulait le premier rôle, et il n’avait pas l’étoffe d’un premier rôle. » (p. 208) Les scénaristes Bill et Tony dissimulent un secret embarrassant et Dennis, le producteur, ne sait comment déclarer sa flamme à la belle Sophie, laquelle traîne quelques angoisses. « La crainte de Sophie, c’était d’être restée Miss Blackpol, en dépit de tout ce qui lui était arrivé depuis. » (p. 321) Les saisons passant, l’intérêt du public s’émousse : comment fait-on pour maintenir le niveau comique d’une série, pour renouveler l’humour sans tomber dans la facilité et sans perdre l’originalité des débuts ?
Voilà un roman remarquable qui saisit le parfum d’une époque et parvient à le fixer juste assez pour qu’on s’en régale et qu’on ressente la nostalgie et le manque. Les années soixante voient de nombreux bouleversements en Angleterre : quatre garçons dans le vent secouent le conformisme et la tradition, les chaînes de télévision osent proposer des programmes modernes, un brin irrévérencieux et aux sujets d’actualité. Avec Barbara (et Jim), série inventée par l’auteur, mais qui aurait pu très bien exister, le public anglais se rassemble et partage un moment de plaisir. « On a écrit ce qu’on avait envie d’écrire, et on s’est retrouvés avec dix-huit millions de spectateurs. N’est-ce pas tout l’objet des comédies télévisées ? De fédérer les gens ? » (p. 225 & 226)
Par certains aspects, ce roman m’a rappelé Saga de de Tonino Benacquista : les scénaristes, les acteurs et les personnages forment une famille à laquelle on s’attache. Ici, l’humour est tout ce qu’il y a de plus délicieusement british, à la fois pincé et pop, grave et absurde. On aurait envie que cette série existe, de s’asseoir dans des fauteuils en skaï pour la regarder, puis d’écouter en boucle le dernier album des Beatles. La série inventée par Nick Hornby est comme le roman dans son ensemble : un parfait divertissement populaire, dans toute la dimension positive que cela suppose. Il faut un grand talent pour divertir sans abêtir et c’est qu’offre Funny Girl.
Du même auteur : Une éducation, Juliet, Naked, Haute fidélité.