Gabriel mène une vie morne. Une fois achevé son travail de photographe, il se réfugie entre les quatre murs de son appartement dont les fenêtres donnent sur une façade qui le protège du monde. Sur ce mur s’étale le portrait du Docteur Pierre, visage fané d’une réclame pour une pâte dentifrice. « Il vivait en miroir d’un immense visage muet d’une apaisante indifférence. Il ne voulait rien d’autre. » (p. 19) Dans sa solitude et sa réclusion volontaire, Gabriel tient le monde à distance, et le Docteur Pierre l’aide à tenir ses démons en respect. Hélas, quand un chantier de démolition s’en prend à l’immeuble et au portrait défraîchi, Gabriel se sent assailli, perdu, dépourvu de repères et de protection. Quand la grande façade est tombée, il y a désormais trop de lumière dans l’appartement de Gabriel. Avec elle s’engouffrent les souvenirs d’Agathe, amour enfui aux relents de souffrance. Gabriel pourra-t-il retrouver sa sérénité ?
Symbolique, presque mystique et tout à fait solennel, ce court roman est d’une grande beauté, mais il est un peu hermétique. Et c’est avec une déception certaine que je sais être passée à côté de cette œuvre. Pour finir, un extrait qui illustre tout à fait cela.
« Blessure du temps que Gabriel n’avait pas vu passer, blessure des jours au fil desquels s’était usée lentement sa jeunesse sans crier gare, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Blessure des nuits sans sommeil et d’espoirs sans élans, sans éclat et sans force. Blessure d’un corps rejeté sur la grève de la plus grise solitude, dans les sables amers du désir déchu de ses droits de jouissance. […] Blessure d’une mémoire confuse, ensommeillée de nostalgie et de langueur – enamourée d’une enfance devenue fabuleuse à force de distance. » (p. 127)
Rendez-vous avec un autre texte de Sylvie Germain, très bientôt.