« Nous sommes ensemble depuis cinq ans. À part l’amour, tu n’as rien. / Tu ne t’en es pas plainte. » (p. 4) Quand Reine quitte Claude, ce dernier décide de se venger et qu’importe que cela lui prenne 15 ans. Pour cela, il s’attache la douce Dominique qui, sans le savoir, participe à un plan amer poli par le dépit. De leur mariage naît Épicène, petite fille adorable qui ne comprend pas pourquoi son père la hait, mais qui s’en accommode en le haïssant encore plus fort. « Pourquoi avoir des remords de ne pas aimer qui ne l’aimait pas ? La question ne méritait aucun état d’âme. » (p. 21) Cependant, il y a une différence entre ressentir ce violent sentiment et l’avouer à d’autres. Et tandis que Claude poursuit obstinément sa vengeance, la fillette découvre les ravages de la duplicité et de la dissimulation. « À dix ans, Épicène ne fut pas capable de dire à sa meilleure amie que son père était un sale type et qu’elle le détestait. » (p. 26) Plus tard, quand bien des vies auront été bouleversées, il restera une simple question : peut-on vraiment se venger d’un chagrin d’amour ? Et cela a-t-il un sens ?
Après Frappe-toi le cœur qui décrivait le terrible manque d’amour d’une mère envers sa fille, Amélie Nothomb explore ici les relations père-fille et, au-delà, les chemins que l’on emprunte dans l’existence : faut-il vivre pour un autre, contre un autre, pour soi ? Si le style de cette autrice me laisse particulièrement froide, tant son dépouillement frôle la désolation, le contenu de ses derniers romans me stimule agréablement et, toujours, me rappelle la chance que j’ai eue de grandir dans une famille normale, banale, heureuse.