Quatrième de couverture – « Elle s’appelait Madeleine, elle aurait eu 100 ans en 2015. Je m’appelle Clara, j’ai 31 ans. Nous ne nous sommes jamais connues pourtant nous partageons le même appartement, ou du moins l’avons-nous partagé à différentes époques. Madeleine y avait vécu vingt ans. Elle est morte un an avant que je ne m’y installe, l’appartement avait été entre-temps refait à neuf. Interstice préservé de l’oubli, la cave avait été abandonnée en l’état. J’y ai découvert, après en avoir scié le verrou, rangée, empaquetée dans des cartons, la vie de Madeleine, objets, photographies, lettres. Je m’y suis plongée. » Clara décide alors de mener l’enquête et de la partager sur Twitter. Qui était Madeleine ? Comment a-t-elle vécu ? Qui a-t-elle aimé ? Roman du réel, reportage photo, ce livre 2.0 réunit les quatre saisons du Madeleine Project.
Twitter est-il un format qui se prête à la création ? Est-ce un format littéraire ? Il semble bien que oui. En 140 caractères (oui, nous sommes avant la mise à jour et le passage à 280 caractères), avec ou sans photo, vidéo ou lien, Clara Beaudoux propose un texte étrange, hybride, à cheval entre le récit de voyage, la biographie, le documentaire historique, l’exhumation d’archives et l’enquête journalistique. « J’ai compris qu’une contrainte formelle peut pousser non seulement au mot juste, mais aussi à la créativité. Comment la contrainte de 140 signes est une contrainte stylistique comme une autre. » (p. 256) Plongée jusqu’aux coudes dans un bazar qui semble infini, elle recompose patiemment le puzzle d’une identité qui n’existe plus que dans des lettres, quelques photos et une montagne de choses abandonnées. « À la recherche (non pas du temps perdu) mais d’un temps vécu, de fragments d’une mémoire traversée par l’Histoire. » (p. 6) Face à l’intimité d’une existence offerte, il est difficile de trouver sa place ou le ton à employer. Le respect doit-il l’emporter sur la curiosité ? L’émotion doit-elle primer sur l’enthousiasme ? « N’y avait-il pas quelque chose de paradoxal à tenter de sauvegarder une mémoire avec un outil si volatil ? » (p. 458)
Clara Beaudoux rencontre les anciens voisins, quelques membres de la famille de Madeleine et d’anciens collègues ou élèves. Cela l’aide à comprendre ce qu’elle trouve dans la cave, à comprendre Madeleine. « J’ai pu combler certains vides, sur ta vie, laissant de moins en moins place à la fiction. » (p. 630) Le #MadeleineProject devient international, fort d’un succès inattendu. C’est une histoire un peu folle, une aventure humaine et sociale, une très belle rencontre. « Voilà mon seul regret : ne pouvoir échanger avec toi autour d’un thé, pour savoir ce que tu aurais pensé de tout cela. » (p. 632)
J’avais vaguement suivi le #MadeleineProject sur Twitter. J’ai donc découvert avec intérêt la publication en un ouvrage des quatre saisons de ce projet innovant et insolite. Si vous aimez l’histoire, mais aussi les portraits des petites gens, ou encore les réflexions sur l’écriture, le passage du temps, l’amour et la solitude, n’hésitez pas, ce livre est fait pour vous.