Katie la tornade

Après un divorce douloureux, Kate Midland et sa fille Jane ont quitté Biloxi, Mississipi, pour s’installer à Saltillo, au Mexique. Kate se fait très vite remarquer par Ben Adams, le maire de la ville. Ils s’affrontent autour de la sauvegarde d’un magnolia centenaire. La lutte s’engage ensuite dans la course au fauteuil de maire, lors d’élections enflammées.

Que calor ! J’annonce le sujet d’étude de ce brûlant roman : les conditions climatiques propices au développement et à la conclusion de la relation amoureuse.

En premier lieu, le titre : le personnage éponyme est une tornade, voilà un programme qui va décoiffer. Ensuite, le contexte : on est au Mexique, en plein été. Inutile de trop insister sur la température, on se doute que ça va chauffer. Et si ça chauffe, les gens normaux transpirent. Ouf, miracle, Kate et Ben sont humains, et sujets à la sudation. Rien que cela me les a rendus immédiatement sympathiques ! Donc Kate et Ben transpirent et, ô miracle, c’est poétique, comme on peut le lire page 13 : « la sueur qui perlait sur sa peau était semblable à la rosée matinale sur des pétales de rose. » C’est celaaaaa ouiiiiiii ! Chez Harlequin, les auréoles douteuses et les odeurs fétides, ça n’existe pas ! C’est bien connu : par 40°C à l’ombre, les femmes restent fraîches comme des fleurs. Et ça continue comme ça pendant 100 pages : tout est propice à l’examen minutieux des gouttes de sueur qui dévalent les omoplates et ruissellent le long des cous. Plus il fait chaud, plus c’est chaud. Mais Kate refuse de conclure. Et ça devient carrément torride.

Développons un peu autour de la sauvegarde du magnolia. Si la belle Kate s’enchaîne à l’arbre en plein zénith, c’est par conviction écologique. Je reprends son raisonnement : sauver un arbre, c’est contribuer à la sauvegarde de la couche d’ozone et donc éviter le réchauffement climatique. Harlequin et Green Peace, c’est donc le même combat ! À quand un parti vert et rose ? … Si on poursuit dans la logique de Kate, ce n’est pas vraiment une bonne chose de préserver l’arbre. Si elle le sauve, pas de nouveau trou dans la couche d’ozone, la température redescend, et on n’avance pas vraiment sur les chemins de la passion.

Dur d’être une passionaria de l’écologie quand tout le monde cherche l’air climatisé. On se sent vite seule au monde : « Deux femmes s’arrêtèrent un instant pour écouter Kate, mais le soleil tapait vraiment trop fort et surtout, Gentry faisait des soldes. Elles allèrent bien vite se réfugier dans le grand magasin à air conditionné. » Mais Kate résiste et se fait offrir quelques heures plus tard une magnifique entrecôte par le maire. Elle tente d’ailleurs de le séduire chez lui. Mais elle se laisser aller à un deuxième verre de vin, et la voilà toute pompette à cause des vapeurs d’alcool et de la chaleur. Notre bon Ben est un gentleman, il ne profite pas de la situation et ramène la fillette chez elle. Notre héros s’autocongratule, lui qui résiste aux charmes d’une femme ivre morte… La température est montée sous sa chemise et ailleurs, et on le retrouve quelques paragraphes plus loin sous une douche glacée. Difficile de rafraîchir l’atmosphère ! En attendant, il fait toujours aussi chaud et rien ne se passe !

Quand la belle militante rencontre son concurrent, elle lance une phrase tout en sous-entendus, page 31 : « Il fait vraiment trop chaud pour s’habiller. » Deux conclusions possibles : soit elle milite aussi pour le naturisme et contre le capitalisme des grands magasins d’habillement, soit c’est une proposition coquine, ou je ne m’y connais pas ! On pourrait l’accuser de harcèlement sexuel la demoiselle ! Mais elle ne poursuit pas, et voilà Ben chaud comme la braise qui a bien du mal à rester cool. En termes polis, ce genre de fille, on appelle ça une allumeuse, voire un lance-flamme ! Et toujours en termes choisis, c’est d’une lance à incendie dont Ben Adams aurait besoin pour éteindre le feu de forêt qui le consume !

Je passe brièvement sur le remake du Vieil homme et la mer, avec le maire qui se bat tout l’été contre un poisson-chat de dix kilos, pour arriver au portrait de Ben dans son embarcation sous le soleil, page 65 : « Éblouie par le soleil, elle scruta l’étendue d’eau et vit Ben assis seul dans une barque, une canne à pêche dans la main. C’était lui, sans aucun doute. Ce ne pouvait être que lui que le soleil inondait d’or, sculpture magnifique et désirable. » Wahoooo, n’en jetez plus ! Cet homme est une merveille, une rareté. Comment fait-elle pour résister à cette œuvre d’art en chair et en os ? Ben persiste et signe dans la perfection avec une superbe déclaration d’amour, page 95, déclamée par une chaude soirée d’été que balaye une brise tiède et parfumée : « Il existe pour chaque homme une femme particulière, une femme unique qui le fait se sentir fort et noble, une femme pour laquelle il déplacerait des montagnes. Vous êtes cette femme pour moi. » Ben Adams, ou le manuel du parfait soupirant… Kate ou le manuel de la procrastination… Screugneugneu, il est à point le Ben, tout cuit, tout rôti, prêt à être consommé et consumé ! Alors pourquoi faut-il encore attendre ?

Revenons à nos moutons. Si Kate est une tornade, elle cache bien son jeu la coquine ! De son côté, Ben est un « arc-en-ciel étincelant et coloré », page 114. La météo de l’amour est au beau fixe, et c’est bien le problème ! Il fait beau, il fait chaud, c’est la période de l’année où, statistiquement, les gens ont le plus de rapports physiques, et Kate s’évertue à faire poireauter Ben, et nous avec ! C’est pourquoi on peut remercier la dépression et les orages, page 140. Après 139 pages à attendre que Kate se décide à consommer, on assiste à une déferlante de passion : « Le ciel se couvrit pendant la nuit et il se mit à tomber des trombes d’eau qu’un vent furieux transforma en rafales de pluie. Sous le toit de Ben, les amants étaient étroitement enlacés. Ni le vent ni la pluie ne parvinrent à réveiller ces deux êtres soudés par leur amour, comme protégés du monde. » Il était temps que l’orage éclate. L’avis de tempête est une bénédiction qui marque la fin de 160 pages très caliente, mais atrocement platoniques…

Ma conclusion et mes conseils. Désormais Mesdames et Mesdemoiselles, on dit non au déodorant anti-transpirant : ce produit peut vous faire rater l’homme de votre vie, c’est un tue-l’amour et ce n’est pas écolo ! Mais si la transpiration est un premier pas dans la parade amoureuse, il faut attendre que le baromètre retombe, et qu’il fasse un temps de chien ! Toutefois, on évite les bottes en caoutchouc et le grand ciré jaune : quand il pleut, on s’enferme avec l’élu de son cœur et on le câline jusqu’à ce que mort s’ensuive ! Le pauvre a suffisamment attendu, et il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud.

Toute cette histoire m’a donné envie d’être comme la grenouille dans le bocal, pour faire la pluie et le beau temps sur ma petite échelle…

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