Lucy Reardon est une rousse flamboyante, qui aime se vêtir de rouge. Son activité principale n’est pas banale : elle vend des cacahuètes sur le bord de la route, plus ou moins déguisée en arachide. Son voisin de pallier, le très séduisant, Bryan Mundy, est un étudiant en droit trop sérieux, qui gère une boutique de confection pour hommes. Du jour au lendemain, il est contraint d’héberger ses deux frères qui veulent à tout prix lui trouver une petite amie, et qui multiplient les plans douteux pour parvenir à leurs fins. Pour échapper au tohu-bohu qui envahit son appartement, Brian trouve refuge dans le salon de Lucy pour étudier. Et entre ces deux-là, l’ambiance ne sera pas que studieuse.
Damned, je suis atteinte ! Lors de la lecture des deux précédents titres, j’ai été concentrée, stylo en main, traquant les petits détails qui corroboraient mes thèses éclairées. Pour ce titre, rien de comparable. Je me suis retrouvée sur mon canapé, blottie dans 8 coussins, pot de Nutella et cuillère coupable à portée de main, captivée par les niaiseries et autres fadaises que Sara Orwig aligne au fil des pages ! Donc, je ne mènerai pas une étude sur le livre mais sur la lectrice, et plus précisément moi, lectrice de romans dégoulinants de guimauve, imbibés d’eau de rose et de patchouli.
D’ordinaire, quand je lis, je ne suis pas exigeante. Un coin pour poser mes fesses, à la rigueur un coussin pour caler mon coude, et c’est parti ! Dans le bus ou le train, au réfectoire, dans le salon aux côtés d’un pote qui pulvérise des monstres baveux, sous la couette, sur le balcon, dans la rue, à la table d’un café, il n’y a pas d’environnement hostile pour la lectrice compulsive que je suis. Sauf… Sauf quand je n’assume pas la première de couverture, au quel cas, j’attends d’être chez moi. Si la couverture arbore en sus un couple langoureusement enlacé aux visages transfigurés de désir, j’ai un réflexe supplémentaire : le cocooning. M’apprêtant à plonger dans des litres de crème chantilly littéraire, j’ai besoin de coussins, d’oreillers douillets, d’une couette si c’est l’hiver, et d’un crachouillis-machouillis à portée de main (comprendre le sus-nommé pot de Nutella, ou un paquet de chamallows). Et me voilà, lovée comme un gros matou, mon livre dans les mains.
Je suis une lectrice expressive : je m’esclaffe, je m’indigne, je commente, je pleure. Bref, je réagis, je vis le livre. Mais pas avec un exemplaire d’Harlequin ou consort. Je retiens mon souffle, je me fais toute petite. Surtout, je ne veux pas déranger les héros qui ont tant de difficultés à se trouver et à conclure. Bien qu’impatiente, je me tais et j’attends.
Il m’est arrivé de courir vers les dernières pages pour anticiper la fin ou pour me rassurer sur le sort des personnages. Mais pas avec la prose de Barbara Cartland et Cie. Je sais que l’auteur ne me trahira jamais, j’ai une confiance aveugle ! Pas de crise du roman, pas de mort de l’auteur, pas de narrateur déceptif, tout va sur des roulettes. Et je sais que j’aurai ma « récompense » à la fin : un sourire niais et béat parce que le beau monsieur épouse la jolie dame, parce que les méchants sont punis et qu’il fait toujours soleil au pays de l’amour. Et je continue mon petit bout de chemin, pendant quelques heures, en souriant aux mouches et en chantonnant la bluette de Blanche-Neige. D’ailleurs, je vais conclure ce billet, me resservir une grosse boule de glace au chocolat avec des chamallows et me refaire la compil’ des slows de légende…