« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » (p. 1) Le narrateur adulte évoque ses souvenirs d’enfance, notamment les vacances à Combray dans la maison du grand-père. L’homme se souvient du rituel du coucher qui lui était nécessaire pour trouver le sommeil, à savoir l’ultime baiser d’une mère adorée. Hélas, ce besoin infantile est mal perçu par les parents, jusqu’au soir où l’absence de baiser bouleverse tellement l’enfant que son père se montre moins sévère. « Ainsi, pour la première fois, ma tristesse n’était plus considérée comme une faute punissable mais comme un mal involontaire qu’on venait de reconnaître officiellement, comme un état nerveux dont je n’étais pas responsable. » (p. 46) Le narrateur se remémore ainsi toutes les chambres où il a dormi, mais également les visites de M. Swann, les premiers émois sensuels et la rencontre décisive avec la jeune Gilberte. On ressent tout l’attachement de l’enfant à un lieu aimé et la nostalgie douce-amère de l’adulte qui revient sur les places de son passé. « Aussi le côté de Méséglise et le côté de Guermantes restent-ils pour moi liés à bien des petits évènements de celle de toutes les diverses vies que nous menons parallèlement, qui est la vie intellectuelle. » (p. 237)
Au fil des pages, le narrateur énonce une lente et majestueuse réflexion sur le souvenir et la mémoire. « Il en est ainsi de notre passé. C’est peine perdue que nous cherchions à l’évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. » (p. 54) C’est ainsi qu’intervient la fameuse madeleine, symbole des délices perdues et du temps assassin qui ampute plus qu’il ne comble. Le narrateur initie également une réflexion sur la lecture, l’interprétation que chacun fait d’un texte et l’influence des écrits sur les personnalités et les sensibilités. Il est également question du désir d’écrire du narrateur et de ses hésitations de jeune homme. « Combien depuis ce jour, dans mes promenades du côté de Guermantes, il me parut plus affligeant encore qu’auparavant de n’avoir pas de dispositions pour les lettres, et de devoir renoncer à être jamais un écrivain célèbre. » (p. 230)
Avec ce roman de Marcel Proust, je signe ma première lecture numérique, grâce à ma belle tablette. Mais je ne pense pas renouveler l’expérience très souvent. Je reconnais la facilité de lecture et l’avantage d’avoir les mains libres pour lire, mais il me manque l’objet livre avec son poids et son caractère inimitable. Quant à Proust, je ne suis pas certaine de poursuivre ma découverte de ses écrits. Pour le moment, je ne termine pas Du côté de chez Swann et je doute d’avoir réellement envie de lire toute La recherche du temps perdu. La plume de Proust est belle, très noble et travaillée, mais il y a quelque chose chez cet auteur qui, étrangement, me rappelle Rousseau en ce qu’il a de plus insupportable, les jérémiades et les gémissements autocentrés. Mais je suis très fière d’avoir enfin vaincu ce monument qu’est Proust : mon cinquième essai est le bon, j’ai tenu 200 pages et j’ai lu une partie en entier !