Itinéraires d’un officier de la garde

Sous-titre : Une chasse à l’homme à travers l’Europe : les « voyages » du capitaine Bacheville, de l’île d’Elbe à Waterloo, Munich, Varsovie, Constantinople, Athènes (1814-1820)

Présentation et notes par Laurent Nagy.

Barthélemy et Antoine Bacheville sont deux officiers de la Garde napoléonienne. Le retour des Bourbons à la tête de la France marque la fin de leur carrière militaire, notamment parce que Barthélemy reste inexorablement fidèle à l’Empereur à qui il témoigne sans cesse une admiration et un respect intacts les années passant. Pour échapper à ses détracteurs et à tous ceux qui l’ont jugé coupable, Barthélemy quitte la France et, pendant trois ans, il va de pays en pays, avec ou sans son frère. « Mon frère et moi avons été forcés de voyager, ou plutôt de fuir pendant trois ans pour dérober notre tête à la hache qu’avaient levée sur nous des hommes qui ne nous pardonneront jamais des opinions que pourtant nous sommes résolus à n’abandonner jamais. » (p. 51) Barthélemy passe en Suisse, en Allemagne, en Pologne, en Italie, en Moldavie ou encore en Turquie. Si son exil de fuyard lui est douloureux, on ressent toutefois l’intérêt que Barthélemy porte à ses voyages et aux cultures qu’il découvre. À mesure qu’il s’éloigne de la France, son sentiment national et républicain se développe et se forge souvent en négatif des horreurs qu’il observe dans les contrées qu’il traverse, comme chez Ali Pacha, le cruel tyran de Janina. Enfin de retour en France, il doit encore et toujours plaider sa cause et celle de son frère. Finalement gracié, il n’aspire plus qu’à une vie paisible, loin d’un monde politique qui n’a jamais été le sien, lui qui était avant tout un homme d’armes. « J’ai la tête calme maintenant ; six années ont détruit la chaleur de mon ressentiment. Je m’interroge et je ne trouve rien, absolument rien dans ma conduite ni dans celle de mon frère, qui ait pu justifier l’acharnement qu’on déploya contre nous. » (p. 86)

Dans cet ouvrage, Laurent Nagy fait preuve de la même érudition que dans Mémoires d’un proscrit : ses notes abondantes sont simples et facilitent la lecture du texte tout en proposant une réflexion parallèle à la fois indispensable et passionnante. « Le livre Voyages des frères Bacheville en Europe et en Asie est une œuvre foisonnante : c’est à la fois une autobiographie, des mémoires de guerre, un récit de voyages à travers des contrées méconnues, un hymne au philhellénisme et un témoignage d’un fort sentiment fraternel et patriotique. Le regard du capitaine est celui d’un homme qui s’imagine martyr de la liberté et de l’arbitraire ; victime dans sa patrie, il raconte aux Français, ses contemporains, les injustices que subissent les proscrits politiques depuis le retour des Bourbons. Le récit du capitaine a aussi valeur de témoignage, car sa lecture apporte la vision humaine de “l’après” Empire. En effet, malgré l’effondrement de vingt-cinq années de mouvements d’idées et de personnes et la rupture politique considérable qu’est la chute de Napoléon, subsistent toujours des hommes qui en perdant leurs repères connaissent l’errance sociale et parfois le désœuvrement moral. » (p. 33)

Les mémoires de Barthélemy seraient picaresques si elles n’étaient pas véridiques. Agrémentés de lettres et de renvois à des annexes diverses, les courts chapitres de cet ouvrage se lisent avec impatience. Les voyages des Bacheville sont haletants et Barthélemy a su s’entourer des bonnes personnes pour écrire son histoire. Voici encore un excellent moment de lecture avec un homme, un vrai !

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