La servante du seigneur

Texte de Jean-Louis Fournier.

« Elle est dans les ordres ou elle est aux ordres ? » (p. 40) Le narrateur raconte comment sa fille lui échappe, comment cette jeune personne pleine de vie et de fantaisie s’éteint et se raidit dans une foi acquise sur le tard. Elle ne devient pas nonne, mais elle boit les paroles d’un certain « Monseigneur », plutôt amant mystique que directeur de conscience avisé. « Maintenant, elle vit avec un allumeur de réverbères. Elle vit dans l’ombre des certitudes du Moyen Âge. Il est illuminé, mais il n’éclaire pas. Elle croit y voir clair. » (p. 86) Un peu goguenard, un peu incrédule, le père narrateur accepte avec difficulté le changement qui s’opère chez sa fille. Elle dont il était si proche, la voilà inaccessible et même rancunière. « Elle n’a pas été mise sur terre pour que ma volonté soit faite, pour que je sois heureux. L’important, c’est qu’elle soit heureuse. Est-ce qu’elle est heureuse ? » (p. 96) Indulgent mais impatient, le père attend le retour de sa fille, ne pouvant se résoudre à la voir devenir une autre, loin de lui.

Ce texte est très court, mais très percutant. À la fois adresse désespérée à la fille et dialogue bancal, La servante du seigneur n’est pas un texte pathétique. Il y a dans ces pages tout l’humour vachard d’un bouffeur de curé qui se retrouve couillon devant la religion qui lui enlève sa fille. Mais la question religieuse, finalement, n’est qu’un prétexte : La servante du seigneur est avant toute chose la douloureuse prise de conscience d’un père qui aurait voulu que sa fille, bien que devenue femme, reste son enfant chérie, sans jamais lui échapper pour un autre ou pour un ailleurs.

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