Une histoire des loups

Roman d’Emily Fridlund.

Madeline fait le récit d’une partie de l’année de ses 15 ans, quand de nouveaux voisins ont emménagé de l’autre côté du lac, qu’elle est peu à peu entrée dans l’intimité dysfonctionnelle de cette famille et a assisté, plus ou moins à son insu, à l’agonie du petit garçon. Elle raconte aussi le scandale causé l’année d’avant par la relation trouble entre M. Grierson, le professeur d’histoire du lycée de Loose River, et la très jolie Lily Holburn, adolescente insaisissable.  Pour Madeline, ce scandale et la mort de Paul ont marqué la fin de l’enfance et la découverte des pulsions humaines.

Avec la mort annoncée de l’enfant dans les toutes premières pages du livre, la tension ne fait que croître : comment Paul est-il mort ? Est-ce la faute de ses parents ? Que dissimule la rigidité du père et la fragilité de la mère ? Le drame était-il évitable ? Toutes ces questions sont posées à Madeline par les inspecteurs, mais elles tournent aussi dans sa tête des années après le décès du garçon. « À ce moment-là, me demanderaient-ils plus tard, vous aviez certainement compris que quelque chose ne tournait pas rond ? » (p. 163) Sans donner toutes les réponses, le récit a posteriori de Madeline en dit suffisamment pour juger de l’horreur et de la tristesse de cette tragédie. Il y a de nombreuses ruptures dans la narration : Madeline passe d’un sujet à l’autre et s’embarque dans de longues digressions sur sa vie d’adulte, loin du Minnesota et de ses parents hippies, mais tout cela ramène toujours au drame et à sa longue et inexorable construction.

Dans ce premier roman, Emily Fridlund déploie un style riche, à la fois très poétique et très moderne. Elle parle aussi bien de la beauté de l’hiver que de la splendeur de l’été. « Cette année-là, l’hiver s’écroula sur nous. Il tomba à genoux, épuisé, et ne bougea plus. » (p. 7) Elle décrit surtout à merveille les tourments de l’âme humaine, ses désirs et ses refuges. Elle fait regretter le passage de l’état de nature à celui de culture. Et l’on voudrait s’installer dans une cabane au bord d’un lac, gelé l’hiver et insondable l’été, pour vivre avec les chiens et observer de loin, vraiment de loin, les vies étranges et terrifiantes de nos voisins.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.