Ouverture à la française

Roman de Dora Djann.

Née dans le Kurdistan de Turquie, Ziné a souvent déménagé pendant son enfance, suivant ses parents au gré des contrariétés subies par le régime contre lequel ils s’élevaient. Un matin, le père part en premier vers L’Europe, rêvant d’une cité idéale dans laquelle installer sa famille. « À partir de ce moment-là, je passe mon temps à me répéter qu’il me manque. Comme je n’ai pas de pétales de fleurs à arracher sous la main, je compte avec les motifs de fleurs sur les étoffes. » (p. 48) La mère finit par le suivre, puis vient le grand voyage pour les enfants, le vrai déracinement avec l’installation en France. Passant d’activistes menacés à immigrés précaires, les parents font de leur mieux pour offrir le meilleur à leurs enfants, tout en préservant leur culture. « Mes parents, qui sont désormais libres de faire de la politique, n’ont cependant pas les moyens d’exprimer leurs opinions en France, car ils ne maîtrisent pas le français et on ne leur donne pas la possibilité de l’apprendre. Ils restent dans leur petit monde à faire la révolution. » (p. 97 & 98) Élevée dans la peur des hommes et du déshonneur, Ziné n’a d’autre possibilité d’échapper à l’emprise de sa famille que d’épouser son premier amour, un Français, sans le consentement de son père. « Le ravissement de l’Europe m’accompagne. J’ai droit à la parole. On me questionne sur la nature de mes envies, et on accorde de la valeur à mes réponses. » (p. 88) S’ouvre alors une longue décennie pendant laquelle le père et la fille ne se connaissent plus.

Le texte commence quand Ziné revient dans le quartier où vit celui qu’elle admirait et qu’elle aimait tant étant enfant. Après être retournée en Turquie sur les traces de son identité, la jeune femme sait enfin qui elle est et elle veut se présenter à son père. Pour un premier roman, c’est une réussite. Porté par une voix puissante et une plume déjà solide, le récit appelle à faire tomber les masques et à cesser d’imaginer l’autre pour enfin le voir et le retrouver. Le long cheminement de la fille vers le père est bouleversant. Dora Djann est une autrice à suivre !

Lu dans le cadre du prix Au coin de la Place Ronde 2019.

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