La panthère des neiges

Texte de Sylvain Tesson.

L’auteur a suivi Vincent Munier, photographe animalier, dans les hauts plateaux du Tibet sur les traces de la panthère des neiges. « Si l’on voulait avoir une chance de l’apercevoir, il fallait la chercher en plein hiver, à quatre ou cinq mille mètres d’altitude. » (p. 23) C’est donc ce voyage à l’affût qu’il raconte. Pendant de longs jours, Tesson, Munier et leurs compagnons d’attente observent des yacks, des renards, des chèvres bleues, des antilopes, des gypaètes ou encore des chats de Pallas. « Les bêtes surgissent sans prémices puis s’évanouissent sans espoir qu’on les retrouve. Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande. » (p. 35) Mais du félin tant convoité, pas l’ombre d’une tache ni d’une moustache pendant longtemps. « La panthère pouvait être un rocher et chaque rocher une panthère. » (p. 112) Jusqu’au matin où la bête somptueuse se détache en haut d’une crête. L’attente de l’animal et son apparition convoquent des figures féminines chères à l’auteur, qui sont autant de doux souvenirs et de tendres regrets.

J’ai apprécié la prose de l’auteur, vive et sèche comme le froid mordant des steppes asiatiques. Son ironie cinglante sur la folie technique des hommes me convainc parfaitement, de même que son humilité affichée devant la création, qui confine presque à l’antispécisme. « Par quel étrange mouvement de l’âme en arrive-t-on à tirer une balle dans la tête d’un être pareil ? […] L’amour de la nature est l’argument des chasseurs. » (p. 109) Je ne connais pas, ou très mal, les doctrines bouddhistes et taoïstes, mais ce que Sylvain Tesson en tire pour étayer son propos donne envie d’approfondir le sujet. « L’affût était une prière. En regardant l’animal, on faisait comme les mystiques. On saluait le souvenir primal. » (p. 57) Je dois reconnaître à l’auteur un grand sens de la périphrase, hélas dévoyé dans une tendance quasi maniaque à l’aphorisme. « La Terre avait été un musée sublime. Par malheur, l’homme n’était pas conservateur. » (p. 164) Alors oui, c’est certain, ça fait beaucoup de belles citations à extraire du texte, mais la somme de ces phrases sonne un peu creux. Le livre a été couronné par le prix Renaudot 2019, distinction avec laquelle je suis très souvent d’accord. Peut-être attendais-je trop de ce texte et de cet auteur dont plusieurs amis lecteurs me vantent souvent le talent.

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