Bande dessinée de Victor de Taillac.
Le jeune lieutenant Henri de Maury quitte Perpignan et celle qu’il aime pour le front. La guerre sera courte, tous le pensent. Et tous espèrent une victoire éclatante. Mais l’hécatombe des premières semaines remplace le bel enthousiasme du départ. La fin de l’été 1914 moissonne les hommes en pleine vigueur, et non les blés qui brûlent sous les canons allemands. « L’horrible bête sans visage vomit ses balles dans une mécanique implacable. Et les pantins de carnaval, joyeusement fagots de leurs pantalons rouges, se font hacher sans pitié. » 5 septembre, c’est la bataille de la Marne qui commence. Et l’ordre de Joffre tombe : il faut tenir les positions coûte que coûte, ne laisser aucun pouce de terrain à l’ennemi. Henri de Maury doute : où est-elle la glorieuse guerre dont il a rêvé toute sa jeunesse ? Est-ce vraiment cette boucherie à ciel ouvert ?
Parsemée d’extraits de textes de Charles Péguy et de Stefan Zweig, cette lente bande dessinée est comme un film que l’on passe au ralenti. Les balles sifflent pendant des secondes interminables, les corps se soulèvent sous les obus sans jamais sembler retomber. Et les cris de douleurs des blessés composent une bande-son sinistre. Mais le dessin de Victor de Taillac est sublime. Dans des couleurs naturelles et poudrées, il compose des décors superbes où le sang rehausse tristement les détails de l’été. Les pages en camaïeu de gris parlent d’une femme, ou plutôt de plusieurs femmes, beautés éternelles auxquelles les hommes se dévouent et consacrent plus que leur existence. Car pour les survivants des tranchées de 14-18, quelle vie est désormais possible ?
Les éléments d’archive en fin d’ouvrage augmentent le texte avec pertinence. Le centenaire de la Première Guerre est encore tout proche et pourtant semble déjà si lointain. C’est de l’Histoire, mais ça ne doit pas seulement être du souvenir.