En 2013, Jonathan quitte son emploi et la France pour l’Amérique du Sud, à la rencontre de son rêve : faire le tour du monde en se finançant grâce au poker. « Je ne suis pas un de ces malheureux qui quittent leur pays pour fuir la guerre ou la misère. Je ne suis qu’un jeune gars qui essaie de reprendre un peu de couleurs après quelques années difficiles. Ce voyage n’est qu’une petite parenthèse dans ma vie. Je rentrerai bientôt, reprendrai ma routine. Du moins je crois. » (p. 28) Jonathan atterrit au Brésil et va traverser 7 pays et des milliers de kilomètres en bus ou en moto. Ouvert à l’aventure et aux rencontres, il profite de toutes les possibilités qui se présentent pour vivre au plus près des habitants, loin des mirages de carte postale. À mesure des mois, il raconte son aventure sur son blog et, peu à peu, il est moins question du poker que du voyage. Ce qui intéresse Jonathan, c’est la découverte et cette liberté inaliénable sur sa moto. Même quand celle-ci subit des pannes à répétition. Même quand les projets ne se déroulent pas comme prévu. Même quand les galères de poker et de cœur s’accumulent. « Je suis exactement là où je dois être, à faire ce que je dois faire. Différent, mais à ma place. Et à cet instant, pour la première fois de mon voyage, me vient cette pensée : je n’arriverai plus à revenir à ma vie d’avant. » (p. 219)
C’est une étrange expérience de lire le récit d’un homme avec laquelle je bois occasionnellement des verres en terrasse. Ce texte m’a permis de le retrouver, de le reconnaître, mais aussi de le découvrir un peu. Jonathan manie avec habileté l’autodérision et la remise en question. « Vu que mon niveau dans la langue de Cervantès n’est déjà pas fameux à la base, et que mon accent évoque plus Valenciennes que Valencia, il est temps de se mettre à bosser sérieusement, puisque je risque de devoir la parler pendant les prochains mois. » (p. 109) Et comme je l’ai souvent constaté, il porte sur l’autre un regard sincèrement bienveillant. Son voyage – un peu fou à mes yeux d’impitoyable organisatrice – est aussi inspirant que touchant, car profondément humain. Lucide et profondément généreux, c’est plus qu’un récit de voyage qu’offre Jonathan Salamon, c’est une introspection humble de ses rapports aux autres, aux femmes, au monde et à lui-même. Le tout servi par une plume fluide, directe et non dénuée de poésie, parfaitement agréable à suivre.