Adrienne – Ady – Fidelin est une vieille femme qui remonte le fil de ses souvenirs pour raconter son histoire. Un cyclone lui a ôté ses parents alors qu’elle n’a pas 15 ans. Orpheline débarquée à Paris avant ses 20 ans, elle danse et fait de la figuration au cinéma. Tous les samedis, elle s’étourdit au 33, rue Blomet, dans la musique et la chaleur du Tout-Paris antillais, mais aussi artistique. C’est là qu’elle rencontre Man Ray. « Man et moi, on s’est mis ensemble en 1936. Chez nous, rue Denfert-Rochereau, y avait toutes sortes de musiques. On écoutait du jazz et du blues : Duke Ellington, Cole Porter, Big Bill Broonzy et bien d’autres… Il aimait aussi Bach, mon Manichou. Et puis on dansait une rumba ou une biguine, tout nus, serrés l’un contre l’autre. L’important, c’était d’être ensemble. De s’aimer, de rigoler… » (p. 56)
Pendant 5 ans, leur amour se nourrit d’art et de légèreté. Vivre, il faut vivre et ne pas se laisser engloutir par les nuages brun-noir qui s’amoncellent. Avec Paul Éluard et Nusch, Pablo Picasso, Lee Miller, Dora Maar et tant d’autres, le couple vit entre Paris et Antibes. Mais le conflit éclate et Man Ray rentre en Amérique. « Non, la guerre ne fait pas que des morts, des veuves et des orphelins. La guerre sépare les gens qui s’aiment. » (p. 200) Ady reste en France et, les années passant, elle devient la muse oubliée du grand artiste.
En donnant la parole à cette femme, l’autrice déploie une langue souple, dynamique et colorée, une langue qui sait raconter et qui a compris la puissance de l’oralité, fondamentale dans la tradition créole. Je me suis laissé porter par ce récit enivrant de la France des années 30, de l’amour libre et de la création sans limites.
Ouvrage lu dans le cadre du Prix « Écrire la photographie » organisé par la librairie lilloise Place Ronde.