Tant pis pour l’amour – Ou comment j’ai survécu à un manipulateur

Bande dessinée de Sophie Lambda.

« On était des enfants lumineux, les villageois ignorants qui dansent au milieu du champ de bataille des tristes pierres amorphes du quotidien. » Voilà, ça, c’est le début. La passion, l’amour parfait. Passée cette présentation idyllique, il y a l’envers du décor et le parfait cauchemar. Sophie raconte ses 8 mois de relation avec Marcus, un homme aussi beau que manipulateur, aussi attentionné que dangereux. Après les promesses et la dévotion absolue des débuts, le prince charmant laisse place à un être violent qui enchaîne les mensonges et les rages sans fondement. En un claquement de doigts, pour une broutille, pour un rien, l’homme idéal devient odieux. « Des accusations éventées de toutes pièces qui ne visent qu’un but : provoquer une émotion, le plat préféré de cet ogre insatiable. » Et il oublie tout quelques heures après, persuadé que rien n’est grave. Et pendant ce temps, Sophie essaie de comprendre, mais perd pied et met sa santé mentale et physique en danger. Elle doute d’elle-même, de ses intuitions, de ses ressentis viscéraux et cherche à se persuader que l’amour est plus fort que ça. Sauf que non : si l’amour abîme autant, il porte mal son nom. « On peut cacher tout ce qu’on veut sous un tapis, ça sera toujours un tapis avec plein de trucs en dessous… » Le pire est que, même après la rupture, Sophie souffre encore, voire davantage. Elle ne comprend toujours pas et ne se remet pas des blessures laissées par celui qu’elle a réussi, in extremis, à quitter.

Cette bande dessinée, c’est la victoire de Sophie sur une relation malsaine et destructrice. C’est un puissant message d’espoir et d’encouragement. L’ours en peluche Chocolat, compagnon de la narratrice/autrice, est un ressort comique indispensable, mais rapidement, il dépasse cette fonction. Il devient la Cassandre de Sophie, celui qui représente tous les drapeaux rouges qu’il aurait fallu prendre en considération. « C’est pas de la jalousie. Il dit des choses et il fait l’inverse… » L’ours Chocolat, finalement, c’est la voix de l’ironie tragique du théâtre grec, celle qui sait tout. Mais à l’inverse de la destinée antique, rien n’est inéluctable : le malheur n’est pas certain, il n’est pas définitif. Avant tout, il faut accepter avoir été une victime et ne plus rien laisser passer au bourreau. « Tant qu’on pense que les manipulateurs ne sont que des pauvres gamins à problèmes, mais qu’au fond, ils sont gentils, on leur pardonnera tout. » L’ouvrage s’achève sur un annuaire de numéros d’aide et d’urgence. Il faut que cette bande dessinée circule, largement. Et comme des milliers d’autres lectrices, j’ajoute mes remerciements à l’interminable liste de ceux déjà reçus par l’autrice.

Cette lecture m’a sauvée et je remercie du fond du cœur les deux amies qui m’ont conseillé ce livre. J’ai aimé cet homme, bien plus fort que je n’aurais dû, et en arrêtant de m’aimer. Et, sans doute, je l’aime encore, sans bien savoir pourquoi. Mais j’ai ouvert les yeux. J’ai fini de croire à ses mensonges qui me faisaient passer en un instant de la personne la plus exceptionnelle à la pire des femmes, cruelle et sans cœur. J’ai fini de croire que tout ce que nous vivions était unique et nouveau, alors qu’il avait déjà vécu tout ça exactement de la même manière avec d’autres avant moi et qu’il se comportera encore très exactement de la même façon avec d’autres après moi. J’ai fini de croire que ses sentiments pour moi étaient de l’amour. Quand on aime, on ne blesse pas volontairement l’autre, on ne le bourre pas de coups (métaphoriquement pour mon cas) pour s’assurer qu’il va résister, on ne pousse pas l’autre à partir pour lui reprocher ensuite de l’avoir fait et lui reprocher de refuser de donner une autre chance. Quand on aime, on ne réduit pas l’autre à la moitié de ce qu’il était. Quand on aime, on ne dévaste pas quelqu’un au point de lui faire envisager le suicide comme seule porte de sortie. Quand on aime…

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