La campagne présidentielle bat son plein. Mais voilà que 9 jours avant le deuxième tour, Philippe Rex, grand patron de la chaîne Rex News et magnat des médias, est enlevé par un survivaliste qui demande à participer au débat de l’entre-deux tours pour porter la voix de ceux qui n’en ont pas. « C’est commode votre discours : vous n’avez pas besoin d’être cohérent, simplement d’être constant. » (p. 144) Dans les plus hauts niveaux de la République, ça s’agite et ça réfléchit. Faut-il céder au chantage politique ? Comment protéger le président sortant de tout scandale et assurer sa réélection face à la candidate du mouvement identitaire ? Les jours passent et voilà qu’il ne reste que quelques minutes avant l’annonce du nouveau président de la République…
Avec cette uchronie politique, l’auteur joue à fond la carte du cynisme capitaliste. « Dans la ruée vers l’or, n’importe quelle école de commerce l’inculque : ce ne sont pas les chercheurs qui font fortune, mais les vendeurs de pioche. Rex News, c’est ça : le piolet de l’opinion publique. » (p. 15) Le seul vrai pouvoir, c’est l’information et la façon de la produire et de la diffuser. La véracité n’est plus la valeur suprême, supplantée par le temps d’attention que l’audience peut consacrer à un sujet.
David Dufresne balance par paquets des noms réels, tant de personnalités politiques que journalistiques. Pour les besoins de sa fiction, il invente des personnages, mais il est très facile de les associer à des individus de notre société. Chacun a d’ailleurs son chapitre, celui au centre duquel il est le héros, vers qui convergent toutes les décisions à prendre et qui semble le/la seul·e homme/femme de la situation. Mais dès le chapitre suivant, la caméra a dézoomé et s’est fixée sur un autre visage. C’est la société du spectacle ou les 15 minutes de gloire dont parlait Andy Warhol. Comme lors du débat de l’entre-deux tours, tous les participants veulent attirer la lumière, mais finalement le seul protagoniste, c’est le show. Et peu importe finalement le nom de la personne qui dirigera le pays pour les 5 années suivantes : le véritable gagnant, c’est la politique-spectacle, également très bien critiquée dans le premier épisode de la série Black Mirror.
Je découvre David Dufresne avec ce roman que j’ai dévoré en moins de deux heures. Sa plume m’a happée et j’ai hâte d’en lire plus !