En 2015, en raison d’une erreur humaine, Guillaume Néry frôle la mort en mer de Chypre, à plus de 120 mètres de profondeur. Après cet accident, il met fin à sa carrière d’apnéiste. « Je découvre ma vulnérabilité : je peux mourir en plongeant. » (p. 14) Minutieusement, l’auteur passe en revue les jours qui ont précédé sa plongée quasi fatale. Une fois pesés le risque, la peur et l’audace, le danger subsiste toujours, jamais complètement maîtrisé, impossible à circonscrire. « Quand la sécurité devient la source du danger, c’est qu’il faut changer de système. » (p. 81 & 82) Le plongeur détaille les réactions physiologiques d’un corps qui s’enfonce, mètre par mètre, à coup de palmes, sous l’eau. Dans l’eau. Dans les profondeurs salées, là où la pression est à la limite du supportable, Guillaume Néry se sentait chez lui, mais sans oublier que cet environnement ne l’accueillait que momentanément. « Je ne suis pas chez moi ici. Je reste un simple visiteur. Il est temps de repartir. » (p. 114)
L’alerte écologique lancée par l’auteur résonne clairement : le temps n’est plus à l’attente, il faut agir. Mais à l’inverse de l’immédiateté tyrannique des réseaux sociaux et du monde contemporain, il faut prendre le temps : celui de la préparation, celui de la réflexion, celui de la prudence, comme pour une apnée périlleuse. L’action est nécessaire, mais elle s’anticipe. « Quand l’impatience a eu raison de moi, elle m’a invariablement condamné à l’échec. » (p. 134) J’ai beaucoup apprécié les pages où Guillaume Néry raconte sa communion quotidienne avec la mer, abolie pendant le confinement, avec la longue attente des retrouvailles.
Pour moi qui nage au mieux comme un petit chien et qui suis incapable de réguler mon souffle, ce récit est fascinant. Effrayant également. J’admire les silencieux athlètes des profondeurs, les corps qui se rêvent un instant cétacés ou dauphins.
Lu dans le cadre du prix Sport Scriptm 2022.