Roman de Jean-Philippe de Tonnac.
Ahava pétrit le pain avant le repas de la Pâque, selon la tradition séculaire : « Pains non levés, pains plats, pains de l’urgence. » (p. 8) Elle apprend à Malka, sa petite-fille de 10 ans, les gestes immuables, la rencontre entre la farine et l’eau, quand la main doit intervenir et quand elle doit se retirer. « Le pain est un mélange de farine et d’eau, mais c’est le temps qui les lie, qui les fait tenir ensemble. » (p. 9) Des décennies plus tôt, Ahava a préparé ce pain qui célèbre la liberté de son peuple pour l’invité de son époux. Ce soir-là, elle a pétri et servi le pain qu’a rompu le rabbi crucifié sur le mont Golgotha. Personne ne dit le nom de ce rabbi, mais la maison n’a pas oublié que cet homme a guéri le père d’un mal invisible. Le souvenir persiste comme la foi, simple et nécessaire comme l’est le pain quotidien. « Le pain est vivant. Il est vivant. » (p. 14) Depuis Ahava fait le pain comme ce soir-là, selon son cœur, dans une vérité totale. « Entre le cœur et les mains, il ne peut y avoir l’espace d’une question. Ou alors le cœur est aveugle, ou alors les mains sont orphelines. » (p. 46)
Avec son très court et fulgurant roman, Jean-Philippe de Tonnac dépeint la Cène du point de vue d’une femme de rien, d’une anonyme à la foi robuste. « Le pain est le corps de celui qui va être livré. » (p. 73) Avec ses mots, puissant levain de littérature, l’écrivain du pain célèbre l’aliment essentiel, entre nourriture terrestre et nourriture spirituelle. L’histoire du Christ s’est écrite là, dans la poussière de farine et le travail énergique des mains qui façonnent le pain azyme. Ce portrait en creux de Jésus m’a rappelé Soif d’Amélie Nothomb et Le bâtard de Dieu de Metin Arditi. J’aime ces explorations littéraires de la figure du fils de Dieu, car elles magnifient son humanité.
Allez hop, dans ma liste aussi !
Très bonne décision !