Texte de Christian Bobin.
Dans ce court ouvrage, l’auteur déploie une poésie en prose cryptique, entre symbolisme et surréalisme. « Les chiens électroniques perdent leur flair devant un cœur en crue. » (p. 21) Chantre infatigable des mots, il en célèbre le double pouvoir, le double visage : écriture/lecture. Les mots sont une force qui transcende l’humain, qui lui font dépasser sa mortelle condition. « Mes mains sont ce lutrin fait pour accueillir les ailes battantes d’un livre. » (p. 20) Avec méfiance et une animosité certaine, le poète évoque le progrès inexorable et la technologie déshumanisante, lui qui reste un éternel rêveur, un amoureux de la vie et de la beauté. « Terrible amitié des écrans qui ne dorment jamais. Plus d’âmes, que des clients. » (p. 15) Évoquant ses cher·es disparu·es, sans amertume ni nostalgie, Bobin reste profondément convaincu de l’éternité de l’art : cela, seul, sauvera l’humanité. « Il faudra des milliers d’années pour que les déchets d’uranium ne soient plus mortels. Il faudra beaucoup plus, avant qu’un poème cesser d’irradier par son silence un lecteur de hasard. » (p. 58)
Dire que la plume de Christian Bobin est belle, c’est dire l’évidence. Les mots de ce discret poète sont de ceux qu’il faut relire pour en percevoir l’écho têtu et comprendre le sens profond.
« Toi seule auras lu les œuvres complètes de mon cœur. » (p. 13)
« Un ami, c’est quelqu’un à qui on fait le cadeau de l’étonner. » (p. 17)
« Je ne suis pas plus religieux que le muguet sauvage. Pas moins non plus. » (p. 31)
« Que jamais le nihilisme ne vienne prendre son impôt sur le bord de mes lèvres. » (p. 41)