L’homme qui n’aimait plus les chats

Premier roman d’Isapelle Aupy.

« Imagine une île avec des chats. Des domestiqués, des pantouflards et des errants, qui se baladent un peu chez l’un, un peu chez l’autre, pas faciles à apprivoiser, mais qui aiment bien se laisser caresser de temps en temps. Et puis aussi, des qui viennent toujours quand on les appelle, des qui s’échappent la nuit pour funambuler sur les toits, d’autres qui rentrent au contraire pour se blottir contre soi. » (p. 13) Mais voilà, les chats de l’île disparaissent, et ceux que l’administration du continent apporte sont loin de faire l’unanimité parmi les insulaires. Du moins au début, parce qu’il paraît qu’on s’habitue à tout, si on nous le répète assez souvent. Certain·es habitant·es refusent pourtant de se soumettre et iels continuent à appeler un chat… un chat ! « Les chats pour nous, c’était comme la liberté, c’est quand on la perd qu’on se rend compte qu’elle manque. » (p. 25)

Je n’en dis pas davantage et je vous invite à découvrir ce conte parfaitement réussi qui dénonce la tyrannie, et l’annexion des esprits par le langage et les contre-vérités manipulatrices. « Ils nous les prenaient parce qu’on les avait laissés faire. Ils nous les prenaient parce qu’ils avaient mis des mots sur des besoins qui n’étaient pas les nôtres. Et comme des bulots, on est même allés les remercier. » (p. 95) L’île est le refuge des marginaux·ales, des perdu·es, des originaux·les et des gens libres dans leur cœur. Face à l’uniformisation forcée, ces êtres qui se sont choisis comme voisins doivent réapprendre à vivre ensemble. « L’île sans les chats, c’était aussi bizarre que la commère qui ne trouve plus rien à dire ou la mer sans écume. Oui, comme ça plutôt, parce que la commère, je l’ai déjà vue avec une angine, mais la mer sans écume au sommet des vagues, ce n’est pas naturel. » (p. 17)

Je lis les textes d’Isabelle Aupy à rebours des dates de publication. Après Les échassiers et Le panseur de mots, me voilà donc à sa première œuvre publiée. J’avais vraiment apprécié les deux autres textes, mais celui m’a enchantée au-delà de toute mesure ! L’autrice a un sens de la formule qui fait mouche, tant pour parler du sublime que pour se moquer du quotidien. La preuve avec ces deux phrases.

« Je n’ai pas oublié ce que c’est quand le prénom de l’autre devient un sentiment. » (p. 31)

« Les colimaçons, c’est bon pour les bigorneaux, quelle idée d’en faire un escalier. » (p. 51)

Il me faut très rapidement mettre la main sur le dernier roman d’Isabelle Aupy, L’âge du capitaine.

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