La vraie vie

Roman d’Adeline Dieudonné.

La jeune narratrice vit dans une maison hideuse avec ses parents et son petit frère. Le père est un chasseur violent et cruel. « Son goût pour l’anéantissement allait m’obliger à me construire en silence, sur la pointe des pieds. » (p 71) La mère est à peine plus vivante qu’un organisme unicellulaire. « Ma mère avait le regard d’une vache à qui on aurait expliqué le principe d’indétermination de Heisenberg. » (p. 68) Heureusement, les enfants s’aiment et se soutiennent, et le rituel du marchand de glace fait entrer un peu de magie dans leur quotidien. Jusqu’au drame qui transforme le petit garçon en une bête assoiffée de sang et de douleur. La narratrice sait qu’elle doit tout tenter pour sauver son frère. « Alors j’ai décidé que moi aussi j’allais inventer une machine et que je voyagerais dans le temps et que je remettrais de l’ordre dans tout ça. » (p. 26) La jeune fille se passionne pour la physique quantique, mais sait qu’elle doit avancer avec prudence pour ne pas perdre définitivement son frère, ni déchaîner la fureur de leur père. Les années passent et elle ne lâche pas son plan, en dépit des difficultés et des pièges que lui tend la vie. Cependant, quand on est sur la mauvaise branche de sa vie, peut-on tout se permettre au motif que l’on pourra tout effacer en revenant en arrière ?

Voilà un premier roman qui mérite largement tous les prix et éloges qu’il reçoit ! C’est vif, dynamique, très bien écrit et parfaitement construit. L’héroïne n’est pas invincible, mais elle est indestructible, avec un espoir fou chevillé au corps. Cette histoire de famille tyrannisée par une brute domestique pourrait être banale et fade, mais elle est lumineuse et inoubliable. Tout comme la plume de l’autrice et son talent pour les analogies. « J’aimais la nature et sa parfaite indifférence. Sa façon d’appliquer son plan précis de survie et de reproduction, quoi qu’il puisse se passer chez moi. Mon père démolissait ma mère et les oiseaux s’en foutaient. Je trouvais ça réconfortant. Ils continuaient de gazouiller. » (p. 60 & 61) Et je rassure ceux qui auraient des craintes : ce n’est pas un roman de science-fiction. À moins que…

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