Danny Boodman T. D. Lemon Novecento est né sur un bateau en 1900. Et il n’en est jamais descendu. Son histoire est racontée par un ami trompettiste, musicien comme lui sur le Virginian, paquebot qui traverse inlassablement les océans. « On jouait du ragtime, parce que c’est la musique sur laquelle Dieu danse quand personne ne le regarde. Sur laquelle Dieu danserait, s’il était nègre. » (p. 9) Novecento est un pianiste de génie : du bout de ses doigts et au travers des touches, une musique étrange et envoûtante s’échappe. Personne ne sait comment l’orphelin sans famille a appris à jouer, mais tout le monde savoure la chance de l’entendre. « Il jouait où ça lui plaisait. Et ce qui lui plaisir, c’était le milieu de la mer, quand la terre n’est déjà plus que des lumières au loin, ou un souvenir, ou un espoir. » (p. 29) Cependant, et c’est une évidence, Novecento ne pourra pas indéfiniment échapper à la descente à terre. Mais pour celui qui a toujours respiré au rythme des vagues, le plancher des vaches est une perspective terrifiante. « C’est ça que j’ai appris, moi. La terre, c’est un bateau trop grand pour moi. C’est un trop long voyage. » (p. 43)
En quelque cinquante pages, Alessandro Baricco propose un texte poétique et fulgurant. Il m’a autant émue qu’avec Soie : la délicatesse du roman compose une mélodie doucement désespérée. Novecento est de ces œuvres vers lesquelles je reviens quand le monde me semble manquer de beauté.