Give It To Me !

Ouvrage de La Rata, traduit par Virginie Despentes.

Ma Rainey, The Slits, Janis Joplin, Grace Jones, Spice Girls, Big Mama Thornton, Nina Hagen, Donna Summer, Bessie Smith, Billie Holiday, Etta James, Madonna, Debbie Harry, The Supremes, Nicki Minaj, Nina Simone, Siouxsie Sioux, Britney Spears, The Ronettes, Aretha Franklin, Tina Turner, Marianne Faithful, Courtney Love, Beyoncé, Lil’Kim, Lana Del Rey, etc.

Des noms de légendes. Et des femmes spoliées par l’industrie musicale qui est aux mains de – devinez qui – des hommes blancs et hétérosexuels, souvent misogynes et racistes bon teint. « Si elles refusent de se conformer strictement à ce que l’on attend d’elles – être des belles femmes qui chantent de belles chansons et qui sont aimables et dociles en public –, si elles sont trop politiques, trop insoumises, trop complexes, elles seront déclarées folles, irresponsables et éliminées. Billie Holiday, Nina Simone, Whitney Houston, Amy Whinehouse ou Britney Spears. Ce qui est tragique n’est pas qu’elles se brisent au sommet de leur carrière, mais que le système patriarcal et colonial ait compris aussi tôt comment limiter leur puissance. » (p. 41) Blues, rock, soul, pop, disco, punk, funk, rap : tous les courants musicaux depuis le début du 20e siècle ont leurs stars masculines. Plus rares, parce que souvent empêchées, les femmes sont pourtant des icônes incontournables. Dans ma liste liminaire, combien de noms ne connaissez-vous pas ?

L’autrice est tatoueuse : ça se ressent dans le dessin qui est épidermique, incarné, vivant. L’ouvrage est un assemblage explosif de photographies, de collages, de bande dessinée, de graffiti, avec quelque chose du comics et du fanzine. « La musique populaire peut franchir les frontières linguistiques, temporelles, politiques, raciales, sociales et sexuelles. » (p. 11) On sent toute l’exaspération de La Rata face aux injustices qu’elle décrit, son enthousiasme d’admiratrice aussi et ses convictions. « La fureur, la rage et le courage, c’est ce qu’on ne pourra jamais te pardonner. » (p. 212) Les valeurs que porte l’autrice, ce sont l’intersectionnalité, l’anticolonialisme, la lutte contre l’hétéronormativité et le patriarcat, la liberté d’être soi sans se conformer aux attentes et aux modèles. « Cette histoire à laquelle je m’intéresse tant est indissociable de l’esclavagisme. Jamais je n’avais été à ce point consciente de ma blancheur. J’ai essayé de le rester, depuis. […] Je suis une fille cis blanche européenne qui parle de femmes noires, latines et gitanes. Sans leurs œuvres, des référentes féministes auxquelles j’aurais eu accès auraient été exclusivement académiques et universitaires, issus des féministes blanches. » (p. 10)

Impossible de ne pas fredonner à chaque page : il y a des tubes et des rengaines inoubliables ! Qui n’a jamais pris son peigne ou sa brosse à dents pour en faire un micro devant son miroir ? Pas moi, et pas plus tard qu’hier… La Rata ne tire aucune artiste de l’oubli, mais son ouvrage est indispensable : il montre comment ces femmes ont fondé des références musicales et inspiré, voire libéré, d’autres femmes, parfois des générations plus tard. D’aucuns considèrent que le mot « sororité » est galvaudé : pas moi. Je lui trouve une immense force fédératrice. L’ouvrage de La Rata, c’est une sororité musicale au travers des genres et des époques. Il m’a rappelé l’essai de Linda Nochlin, Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ?

Bref, si vous aimez la musique, si vous aimez les concerts, lisez le livre de La Rata !

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