Portrait de l’écrivain en animal domestique

Roman de Lydia Salvayre.

Jim Tobold est le roi du hamburger et de la frite. Il est au sommet du monde capitaliste. Il ne lui manque qu’une chose, passer à la postérité. Pour ce faire, il embauche une jeune auteure et la paye royalement pour qu’elle écrive sa biographie. Mieux, il veut qu’elle écrive l’évangile de Tobold. La jeune auteure entre dans l’intimité du magnat du burger et note toutes ses paroles et ses faits. « Pourrais-je longtemps me taire, […], devant les pratiques de Tobold que je jugeais aussi brutales que cynique et qu’il me fallait, non seulement justifier mais aussi magnifier dans mes catéchistiques écrits ? »  (p. 57) Car oui, c’est vraiment comme un évangile que Tobold voit sa vie et son œuvre, les deux entièrement dédiées au culte de la Libre Économie. « Je veux que King Size vende de tout, des frites et de l’esprit, je veux que l’esprit souffle et que la frite gave. » (p. 24) Oui, Tobold est un nouveau prophète !

L’écrivain est d’abord révolté par la vie d’abus de Tobold et sa conception du monde. « Être non seulement le nègre de Tobold le roi du hamburger, mais le nègre de moi-même étrangère à moi-même. » (p. 12) Mais lentement, elle s’enfonce dans le luxe qui lui est offert. Le récit est rétrospectif et l’auteure commence une réflexion sur la qualité de l’écriture et la valeur du talent. L’argent peut-il tout acheter, même le génie ? Peut-il aliéner l’acte sublime de créer ?

Suivez les mots irrévérencieux de Lydia Salvayre et venez communier à la malbouffe ! « La frite était un modèle, un refus, un style, une entéléchie. La frite était un paradigme, une métaphore, un bâtonnet emblématique. La frite était eucharistique. » (p. 117) Entre coups de griffe à tout va et cynisme aiguisé, ce roman dresse le portrait féroce d’un homme qui a fait sien les principes du capitalisme et de la globalisation, jusqu’à nommer son chien Dow Jones. Son évangile est parfaitement iconoclaste, mais également parfaitement hilarant. Et c’est une croyante convaincue qui vous le dit ! « Les petits enfants, mes amis, sont les anges à notre solde ! Ils magnifient notre œuvre de la fraîcheur de leur connerie et innocente nos profits de leur cœur pur et de leurs boucles blondes. » (p. 168) Tobold est un mystique moderne qui multiplie les frites comme d’autres les pains et dont les disciples sont légion, futurs martyrs du fast-food. Ouvrez ce roman et servez-vous une bonne tranche de noire rigolade !

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