Cher connard

Roman de Virginie Despentes.

Quatrième de couverture – « Cher connard, j’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l’as eu, ton quart d’heure de gloire. La preuve   je t’écris. » Après le triomphe de sa trilogie Vernon Subutex, le grand retour de Virginie Despentes avec ces Liaisons dangereuses ultra-contemporaines. Roman de rage et de consolation, de colère et d’acceptation, où l’amitié se révèle plus forte que les faiblesses humaines…

Soit je suis passée à côté du roman, soit ce texte est une arnaque. Ça commence par un mec indélicat – auteur polytoxicomane quadragénaire – qui balance un jugement physique à l’emporte-pièce contre une femme, actrice d’une cinquantaine d’années, moins belle que dans sa jeunesse. Ladite femme remet le mec à sa place, bien comme il faut. Mais le mec est tenace, comme un chewing-gum dégoûtant : il s’accroche, il s’excuse à répétition, il en rajoute, il fait appel à leur passé commun. Alors oui, je suis la première à prôner le pardon, mais quand on se conduit comme un goujat et qu’on a en plus des casseroles au cul – tonitruantes, les casseroles, du #MeToo bien calibré ! –, on la ferme et on se fait discret. Mais non, Oscar s’arroge le droit de répondre et de poursuivre une conversation que Rébecca refuse. « Garçon, garde tes excuses, garde ton monologue, garde tout. Il n’y a rien en toi qui m’intéresse. […] Je me contrefous de ta vie médiocre. Je me contrefous de l’ensemble de ton œuvre. Je me fous de tout, te concernant […]. » (p. 10) J’ai vécu ça, le gars qui ne sait pas qu’il faut arrêter, qui pratique le harcèlement au nom du droit d’expression. Mais vas-y, mec, exprime-toi, mais loin de mes yeux et de mes oreilles !!! Ce comportement de gamin chouineur qui veut absolument qu’on le comprenne ne m’inspire plus aucune empathie.

Désolée, Oscar, mais tes conneries, il va falloir les assumer. « Je me suis fait metooïser. Je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi. » (p. 28) Oui, vous lisez bien : l’homme se pose en victime. Et il lui faut un paquet de temps avant de se remettre en question et d’accepter que, oui, il s’est bien comporté en prédateur sexuel envers une jeune fille et en gros lourd envers beaucoup d’autres femmes. Alors oui, encore une fois, je veux bien pardonner, mais je n’arrive pas à trouver la moindre crédibilité à cette amitié entre Rébecca et Oscar. OK, ils ont en commun une enfance de prolo dans l’Est de la France et une envie de devenir autre chose que leurs parents. Mais elle, elle est superbe et sans regret, parfaitement lucide sur sa place dans le monde du cinéma. Lui est minable et geignard, sans cesse à se lamenter après ce qu’il n’a pas eu et qu’il pense mériter. Mieux, qu’il pense qu’on lui doit ! Alors, son étonnement devant #MeToo, ça m’agace bien plus que ça ne m’émeut. « C’était le bon côté de la vie, les filles. Franchement, on ne savait pas qu’elles étaient en colère. » (p. 91) Si tu voyais à quel point nous sommes enragées, pauvre Oscar…

À mes yeux, cette amitié entre Rébecca et Oscar, c’est plutôt une habitude qui se met en place et dont il devient difficile de se défaire. Avec le confinement au milieu du roman, c’est une occasion comme une autre de maintenir une vie sociale. « Faut pas se mentir, on est en train de devenir salement copains. » (p. 163) Mais en amour comme en amitié, je suis partisane de la solitude plutôt que du pis-aller. J’ai terminé ce roman pour essayer de comprendre où menait la relation entre Rébecca et Oscar : clairement, ça reste obscur. Et surtout, il faut arrêter de comparer tous les romans épistolaires aux Liaisons dangereuses ! Laclos se retournerait devant sa tombe devant la médiocrité de ce Valmont, de cette Merteuil et de cette Cécile ! #MeToo, ça ne dénonce pas des amours machiavéliques, mais des abus sexuels, des crimes ! Je trouve d’ailleurs que Virginie Despentes prend un peu à la légère ce sujet. « Ce truc de Metoo, c’était la vengeance des pétasses. Le moment où on ne pouvait plus faire l’économie d’écouter ce qu’elles avaient à dire et c’était que des conneries. » (p. 47) Mais encore une fois, peut-être est-ce moi qui n’ai pas compris ce roman. Ce qui est certain, c’est qu’il ne trouvera pas sa place sur mon étagère de lectures féministes.

Je vous laisse avec quelques extraits du roman.

« Les gens, j’ai remarqué, plus vous êtes cons et sinistrement inutiles, plus vous vous sentez obligés de continuer la lignée. » (p. 8)

« À ce stade de la compétition, ta connerie force le respect. Ça ne change rien à l’essentiel : j’en ai rien à foutre de ta gueule. » (p. 14)

« L’espace public est un lieu de chasse. Tous ne chassent pas. Mais tous laissent passer le chasseur. » (p. 32)

« L’émancipation masculine n’a pas eu lieu. » (p. 34)

« Tu t’es comporté en connard, modèle courant… » (p. 177)

Ce contenu a été publié dans Mon Enfer. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.