Nées le même jour dans deux points du monde très éloignés, Maria et Clara sont liées. Elles grandissent sans se connaître, l’une dans le Morvan, l’autre dans les montagnes d’Italie, puis à Rome. Choyées et aimées, elles enchantent leurs entourages autant qu’elles suscitent d’interrogations. « On protégeait une petite qui parlait comme on chante et savait causer aux esprits des rochers et des combes. » (p. 17) Maria et Clara sont précieuses, traversées de visions et douées de talents qui se révèlent au hasard des jours, lors de la livraison d’un piano ou de la maladie d’un homme. « La petite est bénie et nous découvrirons comment. » (p. 36) Ces deux enfants particulières sont en fait sur terre pour sauver les hommes et les elfes dont le monde de brumes s’estompe inexorablement. « Nous n’avons aucune idée de ce que nous faisons, […], et pourtant nous transformons nos filles en soldats. » (p. 50) Pour accomplir leur destin, Maria et Clara devront se rencontrer et unir leurs forces.
L’histoire est traversée d’un lièvre, d’un sanglier et d’un cheval d’argent. Les deux fillettes sont des orphelines. Une bataille épique ravage un petit village français. Le Conseil elfique se réunit en grand secret. Nous sommes dans un monde poétique et merveilleux. Le style est tout en arabesques et fioritures : c’est très beau, mais à dose raisonnable. Avec ce troisième roman, j’ai le sentiment que l’autrice a privilégié la forme au fond, d’autant plus que l’histoire semble s’achever là où elle devrait commencer. Le texte tout entier semble un long prologue : il est passionnant et pose un univers fascinant. De fait, la frustration est immense de devoir le quitter alors que la lecture a à peine permis de l’explorer et que tout reste à venir. Évidemment, ce roman n’est pas une démonstration, c’est une question ouverte sur le monde. « Voyez-vous, c’est un conte, bien sûr, mais c’est la vérité aussi. Qui peut démêler ces choses ? » (p. 23) Mais cette œuvre me laisse un puissant sentiment d’inachevé.