Écrits sur l’art (1867-1905)

Compilation de textes de Joris-Karl Huysmans.

Outre ses romans et nouvelles, Joris-Karl Huysmans a été un prolifique auteur de critiques artistiques, principalement autour de la peinture. « Nature morte, cela veut parfois dire nature vivante. Jamais terme plus impropre à désigner un genre de peinture ne fut aussi volontiers admis. » (p. 52) De la simple page au livret complet détaillant toute la production accrochée dans un salon, il a couvert les expositions et les galeries pendant plusieurs décennies, avec toujours le mot juste pour décrire ce qu’il voyait et que les œuvres lui inspiraient. Certains tableaux sont prétexte à des envolées lyriques pieuses ou païennes, entre élégies saintes et esquisses d’hagiographies. « Je l’ai déjà énoncé, et je le répète une fois de plus, l’art n’a rien à faire avec la pudeur ou l’impudeur. » (p. 98) Toujours rigoureux jusqu’à la maniaquerie, Huysmans a produit des descriptions exhaustives et des analyses impitoyables, partant parfois d’une toile pour caractériser toute une production, soit pour la célébrer, soit pour l’éreinter. Et l’homme savait se montrer féroce, voire franchement méchant, armé d’une plume ironique très acérée ! « Au reste, je n’ai rien à dire, car, moi aussi, je trouve les œuvres de ce genre extraordinairement précieuses, pas au point de vue de l’art, par exemple, mais au point de vue de l’ingéniosité et du burlesque. Cela me fait songer aux pendules en verre filé ou aux noix de coco travaillés par les forçats. Je ne les achète point, mais j’aime les voir acheter. Cela me donne une meilleure opinion de moi-même. » (p. 56)

Son érudition artistique est évidente : il sait faire les liens nécessaires entre les peintres, les écoles, les maîtres et les élèves, les inspirations mythologiques et les sujets bibliques. Huysmans ne se gêne pas pour critiquer le système des salons, prix et jurys qui, selon lui, ne mettent en avant que la médiocrité ou la banalité et laissent à la porte des artistes nouveaux, audacieux ou de génie. « Ah ! je viens de lâcher le grand mot, l’engouement du vulgaire ! Pour vendre aujourd’hui une toile, ou il faut machiner un décor imbécile qui rappelle les faits glorieux de notre histoire et alors l’État l’achète, ou il faut dévider la bobine des gracieusetés propres à séduire le goût souvent baroque des acheteurs. » (p. 85)

D’un salon à un autre, il reprend tout ou partie d’anciens articles. En effet, pourquoi se serait-il épuisé alors qu’il avait déjà tout dit d’un sujet, et avec un talent indéniable ?! Évidemment, j’ai dégusté cet ouvrage avec un plaisir de gourmet, toujours ravie de retrouver la langue de Joris-Karl Huysmans. Certains sujets échappent complètement à ma piètre intelligence, mais l’édition a la pertinence de proposer des reproductions en couleurs de certaines œuvres décrites par l’auteur, ce qui facilite la compréhension. Et c’est un luxe très précieux d’avoir un petit musée sous les yeux et un expert pour en parler juste à portée de ligne.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.