Roman de Catherine Cusset.
Elena a grandi en Roumanie. Toute son existence est une lutte vers le meilleur. Elle brave ses parents en épousant contre leur gré Jacob, un juif. Elle fuit le malheur en quittant la dictature de Ceausescu pour Israël, terre de promesses pour son mari. Mais elle sait que le pays lui demandera un jour des comptes et elle refuse de lui sacrifier son fils. C’est aux États-Unis qu’Elena, qui se fait désormais appeler Helen, se construit une vie libre et sereine. La famille Tiberescu est devenue la famille Tibb, une famille d’immigrés qui a parfaitement réussi son insertion dans le pays le plus cosmopolite du monde. Déterminée à offrir le meilleur à son fils, elle voit d’un mauvais œil son mariage avec Marie, une jeune Française. Entre les deux femmes, une lutte terrible s’engage pour conserver l’amour du même homme, et pour lui offrir un brillant avenir. Mais peu à peu, de déchirements en reniements, Helen et Marie se retrouvent autour de sentiments communs et développent un respect qui se teinte d’une affection timide et réservée.
Le roman est finement construit, fait d’allers-retours successifs entre passé et présent. Deux histoires se déroulent en parallèle, et la première d’entre elles est irrémédiablement attachée à la seconde. D’une part, on suit le combat d’Elena pour échapper à la misère et aux pressions politiques, son combat pour offrir aux siens un avenir prometteur. D’autre part, on voit Helen, installée aux U.S.A., qui continue de se battre pour maintenir l’unité de sa famille. Deux trajectoires, deux destinées séparées par un mur, un rideau de fer, qui se rejoignent et se reconnaissent après des années de séparation.
Elena/Helen et Marie se ressemblent. L’amour les guide dans leurs choix, même si la différence de génération et d’éducation les fait réagir différemment devant des situations identiques. Leur conception du couple et de la famille diffère, mais la finalité est la même: préserver les leurs, leur offrir le meilleur.
La langue est délicate, pudique. Le récit douloureux d’une existence d’errance et de déracinement est fait sans pathos excessif. L’auteure a fait de son héroïne une passionaria de l’Europe de l’Est. Elle incarne la lutte de tous les peuples opprimés du bloc soviétique, mais aussi la volonté des plus faibles.
Toute l’histoire est portée par le chant hébreu traditionnel Hava Nagila. Il en résulte un dynamisme permanent. Même aux pires moments, le récit progresse, se relance, ne renonce jamais. La lecture est aisée, entraînante et touchante. Voilà un livre que je conseille à tout le monde.